#NVmagLiveReport
du 25 au 27/10/18 au Palais des Congrés- Juan les Pins (06)
Les concerts du soir de l’édition 2018 de Jammin’ Juan, tout comme les showcases de l’après-midi, sont ouverts aux professionnels aussi bien qu’au grand public friand de découvertes.
Jeudi 25 octobre.
C’est le Philippe Villa trio qui débute la soirée. Un groupe bien connu des amateurs azuréens de jazz. Ils nous présentent leur 3e album “Esperanto“, paru en automne dont ils égrènent les titres. Bien qu’habitué des scènes, le pianiste Philippe Villa semble très concentré alors que Fabrice Bistoni à la contrebasse et Gérard Juan à la batterie, paraissent eux plus décontractés. Mais un grand sourire éclaire soudain le visage du pianiste, quand il présente le morceau dédié à sa petite fille Charlotte. Après un passage par Second Souffle titre éponyme de leur deuxième opus, il attaque le morceau de bravoure de leur set, la reprise du Stairway to Heaven de Page et Plant. Bistoni épaule pour l’occasion une superbe Fender Precision. Ils terminent par Groove 66, toujours hélas, trop bardé d’électro à mon goût.
La deuxième partie va être un plongeon dans le passé et dans l’univers du cinéma puisque Jean-Michel Bernard rend hommage à Lalo Schifrin dans ce concert.
Tout d’abord seul au piano, il nous démontre sa dextérité et son art de l’interprétation dans un long medley mêlant Mannix, Mission Impossible à un scherzo de Chopin, puis un thème d’Errol Gardner, peut-être un brin long. Il fait ensuite renter ses musiciens et on replonge dans les thèmes de Schifrin. Bullit, Luke La Main Froide, Mannix encore, plus rare, de superbes extraits de la bande sonore de Les Félins de René Clément. Et même la pub Dim, joué ici dans sa vraie couleur bossa. L’inévitable tango, Schifrin est argentin. Et bien sûr le retour sur le tube Mission Impossible, ici dans une longue version avec de très belle partie de saxophone de Fred Couderc et de trompette d’Éric Glausserand.
La bonne idée est de projeter pendant les morceaux de très courts extraits des films ou séries en question, et on a dès la sortie de la salle qu’une envie se replonger dans sa dvdthèque, et (re)voir Delon, McQueen ou Paul Newman en noir & blanc.
Une musique un peu surannée mais somme toute joyeuse.
Vendredi 26 octobre.
Tache difficile pour Haïlé Jno-Baptiste d’ouvrir cette deuxième soirée, seul avec sa guitare. Une voix grave, un chant groovy, très saccadé, hésitant en flow façon rap et scansion incantatoire. Certes ce n’est pas du jazz mais peu importe, quelqu’un qui peut reprendre le Manic Depression d’Hendrix de cette façon est bel et bien un véritable artiste.
C’est le tour du parrain de ce Jammin’Juan de prendre place sur la scène. Hugh Coltman avec son petit big band, façon brass band New Orleans. Trompette, trombone, sax, soubassophone, guitare, clavier batterie et la voix de crooner (appellation qu’il réfute ! ) du plus français des chanteurs anglais jouant de la musique américaine. C’est la tournée Who’s Happy, du nom de son dernier album, qui passe par la côte d’Azur à l’occasion de ce festival.
Lumière tamisée, on voit à peine le chanteur et ses musiciens. Hugh Coltman sait faire le show, élégant dans son costume lamé, la mèche rebelle au vent. Quelques explications entre les morceaux, il met en valeur chacun de ses acolytes. “Civvy Street” (Ah hi!), “Sleep Lane“, “Losers blues” et la belle reprise d’une vielle rengaine “It’s Your Voodoo Working” (pas de Nouvelle Orléans sans un peu de vaudou, Dr John n’est pas loin!) . Il nous fait deux morceaux à la guitare, nous rappelant sa période songwriter avant d’entrer en jazz. Il joue avec le public qui en redemande. Il tombe la veste, il faut bien avouer qu’il ne se ménage pas sur scène. Un petit rappel et on le retrouve dans le hall à dédicacer quelques CD et vinyles, échangeant volontiers avec les fans nouveaux ou anciens.
Samedi 27 octobre.
Le pianiste Armel Dupas ouvre cette dernière soirée de Jammin’Juan 2018. Si Armel Dupas, très disert entre les morceaux, reste derrière le Steinway, le bassiste Kenny Ruby et le batteur Mathieu Penot alternent leur instrument avec des synthés analogiques donnant ainsi une touche vraiment spéciale à leur musique. Un jazz electro acoustique haut en couleur. Des ambiances très variées, allant du mélancolique au bien-être souriant. Je pourrais évoquer tous les thèmes du set mais « La Réponse » fut le moment le plus fort de ce concert. Une réponse en musique, une réponse volontaire à défaut d’être optimiste aux attentats de 2015 et hélas aux suivants. La culture, la musique doit être là, encore et toujours nous dit, en notes et en mots, Armel Dupas. Un pianiste, un univers à découvrir.
On avait beaucoup aimé Sly Johnson en solo, au printemps. Il nous présente son nouveau projet où il délaisse ses petites machines pour jouer avec de vrais musiciens. Et ça funk, ça groove sérieusement. Hugh Coltman vient même faire un tour en invité, la classe!
Le long marathon prend fin, 27 groupes, pas loin de cent musiciens et une certitude le jazz a encore de beaux jours devant lui.
Rendez-vous en 2019 pour la 3éme édition.
Jacques Lerognon