Le 12/11/2024 au Théâtre du Lido – Paris (75).
New York, 1890. Veuve de l’amour de sa vie, Dolly Gallagher Levi, marieuse de son état, estime avoir assez pleuré et souhaite rentrer dans le monde mais surtout épouser en secondes noces Horace Vandegelder, épicier prospère et terriblement bourru. Lui aussi aspire à convoler mais ne songe pas à Dolly dont il a justement engagé les talents professionnels. Mais voilà que Dolly va ruiner une à une les candidatures qu’elle avait préalablement soumises à Horace. Elle fait tout pour rafler la timbale quitte à faire au passage le bonheur des commis épiciers, Cornélius et Barnabé ainsi que celui d’Ermengarde, la nièce d’Horace. L’intrigante et roublarde Dolly Vandegelder arrivera-t-elle à ses fins ?
Après “Cabaret” de John Kander, “A Funny Thing Happened on the Way to the Forum” de Stephen Sondheim, une reprise du célèbre “Hello, Dolly” sur la scène du Lido était inévitable. Cette comédie musicale américaine de Michael Stewart (livret) et Jerry Herman (musique et chansons) créée le 15/01/1964 au St. James Theatre de Broadway tiré de la pièce de Thornton Wilder, The Matchmaker (1955) a rencontré un succès mondial grâce à la célèbre adaptation cinématographique de Gene Kelly (1969). Dès sa création en 1964, “Hello, Dolly!” va battre des records et engranger une pluie de récompenses : 10 Tony Awards, gagnant dans toutes les catégories. Sans compter que, la version filmée du musical, réalisée par Gene Kelly en 1969 avec Barbra Streisand, a été nommée à 7 reprises aux Oscars en 1970. Dans la foulée de cet immense succès public, “Hello, Dolly !” a été créé en français en 1972, au Grand Théâtre de Nancy puis au théâtre Mogador avec Annie Cordy. Vingt ans plus tard, en 1992, Nicole Croisille reprenait le rôle au théâtre du Châtelet dans une mise en scène de Lee Roy Reams pour 70 représentations.
Cinquante-deux ans plus tard, revoilà Dolly à Paris, sur la scène du Théâtre du Lido. Pour cette nouvelle production, Jean-Luc Choplin a fait appel à une équipe anglaise qu’il connaît bien. En effet, Stephen Mear et ses fidèles collaborateurs, dont Peter Mcintosh, sont des habitués de la scène parisienne et ont participé à la redécouverte du musical initiée au Théâtre du Châtelet. Stephen Mear y a chorégraphié “On The Town” (2008), “Singing in the Rain” (2015) et mis en scène “42nd Street” (2016), puis c’est au Théâtre Marigny qu’il fut à nouveau appelé par Jean-Luc Choplin pour mettre en scène et chorégraphié Guys and Dolls et Funny Girl (2019). Alors que vaut cette nouvelle production ?
Dès le premier acte la scène laisse apparaître un imposant dispositif scénique : l’intérieur d’une maison cossue qui laisse place tour à tour à un magasin de foin et fourrage pour animaux, un magasin de chapeau ou restaurant New Yorkais. Les costumes haut en couleur nous plongent d’entrée dans un New York du milieu du 19eme siècle. Côté décors, on salue l’ingéniosité de ces panneaux mobiles, ces trappes qui sont de belles trouvailles, ces escaliers par lesquelles les comédiens chanteurs entrent et sortent. De bout en bout, cette partition est rythmée est un hymne à la joie, une ode à la ténacité et à l’amitié avec en toile de fond roublardises et conflits intergénérationnels. Cette belle production, teintée de jazz et de chansons pop avant l’heure met en scène de façon spectaculaire, une trentaine de comédiens, chanteurs et danseurs, tous plus fascinants les uns que les autres dans ces chorégraphies et numéros de claquettes réglés au millimètre. La partition musicale est servie ici par des pointures du genre. Caroline O’Connor, soprano à la voix puissante et la diction impeccable excelle en Dolly Gallagher Levi médiatrice, opportuniste. Peter Polycarpou brille dans le rôle d’Horace Vandergelder, riche veuf, propriétaire d’un magasin de foin et fourrage pour animaux. On salue également le beau travail vocal des deux employés Cornelius Hackl Barnaby Tucker qui aspirent à passer 24 heures inoubliables à New York. La soprano Monique Young campe avec brio une Irene Molloy, une veuve, belle, intelligente et propriétaire d’un magasin de chapeaux. Mention spéciale à Chrissie Bhima, délicieuse dans le rôle de Minnie Fay sans oublier Jemima Eaton qui joue à merveille de sa voix suraiguë et incarne une Ermengard aussi bête que insupportable. Chansons intemporelles, numéros de danse et de claquettes réglés au millimètre, costumes flamboyants, Stephen Mear signe là une mise en scène d’un haut niveau. Courez-y : durant deux heures trente vous prenez crampes de rire sur crampes et vous aurez du mal à reprendre votre souffle.
Jean-Christophe Mary