GEORGES CLINTON, le 16/07, au Mas des Escaravatiers – Puget-sur-Argens (83).

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Georges Clinton a commencé sa carrière dans les années cinquante en montant un groupe vocal de do-wop, un style en vogue à l’époque qui met en avant les arrangements vocaux sur une base rythmique syncopée africaine le tout dans une ambiance rythm & blues, des bases auxquelles il est toujours fidèle aujourd’hui. Depuis, il en a fait du chemin avec ses groupes dénommés The Parliament et Funkadelic, en plus d’un style musical qu’il a façonné, il a inventé le decorum funk des boites new-yorkaises de la fin des 70’s qui plus tard, envahira le monde. Musique alliant rythmes soul accélérés à la modernité psychédélique des groupes rock et l’exubérance des guitar-heroes comme Hendrix, tenues scintillantes et multicolores, danseurs épileptiques et son si saturé et entêtant que d’après Georges Clinton lui-même, l’ambiance était alors si envoutante qu’elle se substituait (ou se mariait, il faut bien le reconnaître) aux drogues hallucinogènes en vogue en ces temps là. 40 ans après que reste t’il de tout cela ? C’est dans l’intention d’en savoir plus (et d’en prendre plein les oreilles) que je me suis rendu au Mas ce 16 juillet.

Le concert va commencer, comme toujours je suis au premier rang en compagnie d’accros à la musique live, mais ce soir là, ils ont l’air particulièrement impatients, ils commencent déjà à se toiser en esquissant quelques pas de funk qui s’achèvent par un regard plein de défiance, dans une pure ambiance « battle ». Tout au long du concert ils ont chanté et dansé et le public m’a surpris par son implication et sa connaissance du répertoire et de l’esprit de l’artiste. Les fans de funk du tout P.AC.A. avaient l’air de s’être donné rendez vous là. J’en étais, tout va bien.

Déjà on aperçoit sur scène un amoncellement de matériel dont on perçoit d’en bas, assez mal l’organisation, les musiciens font leur apparition… trois choristes féminines, trois choristes masculins, deux claviers, un, puis deux, puis trois, puis quatre guitaristes, deux cuivres, le bassiste, j’imagine que c’est celui dont je distingue le sommet du crane par-dessus un double ampli guitare Mesa énorme (pour équilibrer, ils en ont placé un deuxième à côté, en s’en sort bien sur les grandes scènes ils en branchent quatre !). Puis arrive maître Georges, pantalon à pinces souple, chemise rayée claire et chapeau blanc. Une distinction à laquelle il ne nous avait pas habitué, coiffé à l’accoutumée de dreads multicolores servant parfois de support à des plumes roses et vertes. Ca doit être pour s’excuser de jouer plus cool aujourd’hui, pour couler de vieux jours paisibles. Impensable ! Comment imaginer que l’esprit et l’inspiration de cet homme se résume à une tenue de scène ?

Dès la première note, ce n’est pas du son qu’on l’impression de recevoir mais une véritable douche de funk ! Ce qui ressort le plus du style éternel de Clinton ce sont les voix qui envoient massivement comme une écrasante section cuivres et le beat combiné des guitares qui saturent rythmiquement tout l’espace sonore. Je vous passe le groove d’une qualité et d’une authenticité magistrale. C’est une tempête perpétuelle pendant les heures que durent le concert. Tout le monde joue sa partition à la perfection, la scène et la musique pourtant déjà saturée n’empêche aucune des personnes présentes sur scène de participer sans relâche au show. Ils font le truc à fond. Ils sont déjà 9 à chanter, ce n’est pas grave, je me trouve un micro à partager (parfois à trois) et j’envoie tout ce que je peux. Tous ces concerts, toutes ces années pour certains d’entre eux et toujours cette volonté et cet amour de la musique, leur engagement est vraiment remarquable dans un monde de la musique qui, avec les années, épuise souvent la créativité et l’énergie. L’ensemble est surchargé c’est vrai mais les arrangements sont vraiment maitrisés et chacun cherche à attraper le groove de l’ensemble tout en phrasant ses parties chantées ou jouées à sa convenance. Sur scène Georges Cinton laisse beaucoup de liberté à ses musiciens et ne les reprend jamais de manière négative même en cas de plantage comme ce fut le cas avec un guitariste privé de pédale d’effets qui a vraiment peiné. Par contre il sait vraiment ce qu’il veut rythmiquement et c’est souvent le batteur qu’il drive directement. Un équilibre difficile à trouver mais bien rodé quand on est aussi nombreux sur scène et qu’il faut faire masse rythmiquement.

Le lieu que j’aime pour la proximité entre le public et les artistes qui rend leur musique toujours plus authentique qu’ailleurs est un cependant un écrin bien exigu pour une troupe comme celle-ci. Le groupe s’est adapté sans mal à la dimension de la scène et s’est rangé en quinconce sur trois rangées, la scène ressemblait à un radeau de la méduse prêt à sombrer sur lequel étaient quand même prêts à se ruer les danseurs les plus énergiques qu’inévitablement les musiciens ont fait monté sur scène. Tout le monde se trouvait facilement une place, voire en changeait sans difficulté. Ils ont l’air d’avoir tout fait, tout leur est naturel, chacun se débrouille. Leur aisance est impressionnante et leur énergie difficile à ressentir autrement qu’en face d’eux en live. C’est un groupe qu’il faut aller voir à chaque fois qu’on le peut, on en ressort hébété par tant de qualité, d’énergie et la quintessence d’un esprit funk toujours magique qui rassemble tout en permettant à chacun de laisser échapper sans complexe sa propre exubérance.

C’est cette liberté unique dans le monde de la musique que Georges Clinton a su pérenniser avec ses groupes pléthoriques fait de fidèles ou de musiciens embarqués au cours de leur éternel périple funk autour du monde. Qui peut aujourd’hui voyager à plus de trente personnes en tournée, présenter deux bassistes et deux batteurs pour composer quatre section rythmiques différentes, intervertis au gré des morceaux pour toujours obtenir le meilleur résultat ? Le concert terminé, la moitié des musiciens traine sur scène et ne veux pas partir. Un guitariste qui a enchainé les problèmes pendant le set, continue à jouer avec une chanteuse qui chante à tue tête. Quand on connaît la vie de tournée et la difficulté d’exister aux yeux du public dans la durée, l’existence de ce groupe apparaît comme une réussite professionnellement et humainement, assez exemplaire. Le groupe polymorphe change, certains des musiciens sont là depuis très longtemps, il se recompose sans cesse autour de musiciens talentueux, hyper volontaires et très humains dans leur relations avec le public et les autres artistes croisés en tournée. Une volonté de partager et un amour de la musique en groupe lient toutes ces générations de musiciens qui se sont succédés à ses côtés. C’est un véritable talent qu’exprime Georges Clinton à organiser tout cela avec une telle constance dans l’esprit et dans la qualité.

Ce mélange de talent, d’authenticité, de chaleur et d’humanité auquel les années apportent une aura sans cesse grandissante fait toujours autant de bien. Georges est grand, son esprit toujours en nous ! Ce mardi soir Le Mas était habité par une dimension spirituelle qui dépasse ce que produit habituellement la musique, encore un petit miracle auquel on se félicite de participer corps et âme, merci à eux.

 

Emmanuel Truchet

 

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