Le 11/10/2025 sur l’Esplanade J4 – Marseille (13).
Comme toujours, le public bigarré et bruyant Marseillais a répondu présent en masse pour cette édition 2025 de la Fiesta des Suds, cette année de délicieuses découvertes et des retrouvailles sans surprise comme bien souvent. La soirée a débuté par le DJ set de Mapouia celle qu’on présente comme la reine des dancefloors afro-caribéens a ouvert ma soirée avec un set dansant mais pas si bien inspiré, des titres qui s’enchaînent sans grande logique et une qualité musicale très variable avec des titres ragga antillais qui me font parfois penser à du Patrick Sébastien version créole … je dois être trop mélomane, passons.
J’ai ensuite assisté à l’arrivée sur scène de Bamby, une chanteuse ragga dance hall guyanaise qui débarque en tenue sexy avec beaucoup de présence et d’énergie mais surtout une grande sincérité dans son rapport avec le public qui saute danse et crie comme si on était la veille du jugement dernier ! Accompagnée d’un DJ, on sent chez elle un véritable engagement, beaucoup d’émotions sur scène et même pas mal d’humilité malgré son apparence délicieuse et sa beauté plastique parfaite. Bamby ne vient pas sur scène pour dominer mais pour partager. Chaque spectateur se sent ainsi impliqué et répond d’un bloc comme esclave à ses injonctions. L’ambiance entretenue par le public Marseillais chaud bouillant venu pour danser, danser et encore danser… à tel point que le sol s’est mis à trembler, les vigiles devant tenir les hauts parleurs pour ne pas voir l’ensemble piétiné par une foule en liesse ! Le set de Blaiz Fayah pourtant hyper dansant lui aussi, ne m’a pas autant séduit. Comme la dernière fois que je l’ai vu et malgré un guitariste et un batteur hyper talentueux, je suis resté un peu à distance. Je n’ai pas retrouvé l’implication corps et âme de Bamby. J’ai l’impression d’une musique conçue pour briller sur les plateformes plus qu’en live. Le public a remisé mes réserves et a aussi dansé tout ce qu’il pouvait.
Il était ensuite temps de retrouver Groundation sur la grande scène. Malgré mes efforts pour arriver ouvert à la surprise devant ce groupe que le public français adore, je ne lui trouve pas le début d’un intérêt même si Groundation joue maintenant très bien après avoir renvoyé les musiciens à l’origine du groupe. La rythmique était lourdingue et le pianiste volait l’argent du groupe d’après ce que Stafford lui-même m’a écrit. Les nombreux changements de thème, de rythme ou d’ambiance sont arrangés et interprétés à la perfection par le groupe mais l’âme et le groove font toujours défaut. Je crois que les pires passages sont quand les musiciens viennent, tout à tour, faire leur petit solo du type “écoutez moi je suis aussi jazzman” comme si le reggae n’était pas assez digne d’intérêt à leurs yeux … et bien non ils ne sont pas jazzmen, pas suffisamment virtuoses en tout cas pour impressionner. L’ensemble fait penser à des copier-coller de choses déjà entendues, beaucoup de suites d’accords ou d’arrangements de Marley ou d’autres standards du reggae. C’est une remarque qu’on peut faire à d’autres artistes reggae comme Alborosie mais lui, tout ce qu’il enchaîne groove à mort et sonne profond, tout le contraire de Groundation. Je ne veux pas m’appesantir sur la voix de M. Stafford qu’on entend moins car il fait de plus en plus chanter son bassiste et c’est une excellente chose. Peu importe, ce n’est pas une surprise et ce n’est pas encore ce soir que je changerais d’avis sur Groundation. Je m’assois en sirotant un Spritz en attendant que ça passe, en fond musical, c’est tout à fait acceptable.
Pour être honnête, ce qui a motivé mon déplacement en moto depuis mon petit village varois c’est Kassav ! La légende du zouk, une musique devenue mondiale qu’il a lui-même inventée et que je n’ai jamais encore vue sur scène. Les attentes de ma part étaient très élevées mais bizarrement je n’avais aucune appréhension d’être déçu par la prestation comme c’est parfois le cas quand on s’apprête à vivre un rêve. Tout y était ! La ferveur du public, l’intensité rythmique, l’énergie scénique, la perfection musicale, un concentré de danse du début à la fin, pas de respiration, de coup de fatigue ou de baisse de collusion avec le public. L’interprétation fût parfaite, la maîtrise virtuose. Ce concert m’a profondément touché, ému, animé, tous les sens en éveil, le corps et l’âme enfin réunis par la danse, Kassav je vous ai aimé en entier ! Même si la disparition de Jacob Desvarieux, l’âme du groupe, peut peser sur ceux qui ont suivi le groupe en live sur la durée, je n’en ai pas souffert. J’ai juste ressenti une légère nostalgie mais pas de manque, ça aurait été indigne au regard de la chance qui m’était accordée. Je comprends maintenant la réputation planétaire du groupe. La conquête qu’il a opérée sur le continent africain où le zouk est devenu une musique de référence. Une belle revanche sur l’histoire pour des antillais qui portent toujours en eux le complexe de cette déportation forcée et des distances culturelles qui les séparent de leurs frères africains. Un petit “Zouk-la sé sel médikaman nou ni” pour finir en beauté et m’accompagner encore plusieurs jours !
Une belle soirée, des étoiles dans les yeux et du bon son en tête, la fête fut juste parfaite dans son ensemble… Fiesta des Suds, à l’année prochaine !
Emmanuel Truchet
📸 Kassav
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