Festival Les émouvantes

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Du 13 au 15/09/17 au Théâtre des Bernardines –Marseille (13)

#NVmagLiveReport

Pour sa 5eme édition, le festival Les émouvantes investissait le très beau théâtre des Bernardines, en plein centre de Marseille. Trois belles soirées mouvantes au son du rythme de la parole.
L’impro est à l’honneur, ce mercredi. Tout d’abord avec le duo Beñat Achiary, voix et Daunik Lazro, sax ténor. Le chant évoque par moments les origine basques mais aussi celui des Yataali navajos. Il travaille beaucoup sur le rythme de la voix, la puissance, l’intonation plus que sur le sens, sauf quand il dit un extrait de Garcia Lorca. Le saxophone suit la même démarche, on entendra le vent (on est à Marseille tout de même), de la percussion sur les clés mais aussi à peine esquissé le Nefertiti de Miles Davis ou un psaume, un spiritual à la Coltrane. Magnifique mise en bouche avant le set de l’Acoustic Lousadzac de Claude Tchamitchian (par ailleurs maître d’œuvre de ce festival). Là aussi, un chant à part, celui de Géraldine Keller. Tantôt lyrique puis éthéré, il évoque à d’autres moments celui de Stella Vander. Le tentet est à géométrie variable. Réduit à un trio à cordes ou un quartet (guitare, violon alto, contrebasse, batterie) avant de réunir tous les musiciens pour des passages aux harmonies plus complexes, au grès ses trois suites de Need Eden, leur dernier album. Les arrangements magnifient les compositions du contrebassiste qui, avec ou sans archet, joue et dirige ce petit monde onirique.
Jeudi, c’est Marc Ducret, seul avec un micro et sa guitare (Une Verdamini !) qui donne le premier set. Ducret nous offre près d’une heure d’improvisations ou de compos persos. Sa guitare s’envole dans des contrées inattendues. Son bottleneck sert, tantôt en glissandos sur le manche, tantôt de la main droite, en percussions sur les cordes, prés de chevalet. Un répertoire à large spectre, allant d’un texte de Kafka (Nous sommes cinq amis) illustré à la guitare jusqu’à une étonnante (pour un public jazz) reprise de Todd Rundgren, en passant par deux articles du Monde, dits, joués à sa façon. Il use avec malice des harmoniques en tous genres et peut passer d’un très beau son clair à un son bien crade qui fuse. Du grand art.
La soirée continuait avec “L’argent nous est cher” par le quartet d’Yves Robert. Un meeting électoral d’une candidate aux élections européennes. Pas très jazz me direz-vous. Et pourtant si, car la batterie, le trombone et les claviers du groupe transcendent le simple texte d’un discours, en une fresque musicale swinguante, drolatique mais très sérieuse. On peut rire de tout entre gens de bonne compagnie.
Vendredi, la pluie s’invite aux émouvantes mais pas suffisamment pour gêner le spectacle. Pierrick Hardy Quartet joue son Ogre intact. Une guitare, une contrebasse, un violon et une clarinette ou parfois un cor de basset au son profond. Pas de voix, mais des textes qui, même non-dit sur scène, ont inspiré ces compositions. Une musique très écrite, de beaux dialogues relevés par la contrebasse tonique du sieur Tchamitchian qui revenait en sideman pour ce concert.
Cette soirée s’achève avec le projet le plus original et le retour de Marc Ducret accompagné cette fois-ci. A ses côtés, une vidéaste (Sarah Lee Lefevre) et ses images animées, un violoncelliste, (son jeune fils Bruno) et un acteur, lecteur, récitant Laurent Poitrenaux. Ducret a deux guitares, l’une préparée, posée à plat sur une table, dont il joue avec toutes sortes d’ustensiles, un mug, un médiator, archet électronique. L’autre, celle de la veille, qu’il joue de façon standard. Si tant est que Mr Ducret joue de façon standard! Trois passages. Morse, sans voix où un point lumineux parcours l’écran. Vers les ruines, étrange histoire d’un touriste qui tente d’atteindre une impossible tour détruite et enfin Histoire, du Kafka façon Ducret. Peu de lumière, en dehors de l’écran mais des sons tout autour comme un écrin. Un spectacle prenant, surprenant, envoûtant.
Il reste une soirée à ce festival mais je n’aurais point le loisir d’y assister et donc de vous la relater.
Rendez-vous est déjà pris pour l’année prochaine.

Jacques Lerognon

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