(Jazz Village/Harmonia Mundi)
« The Party » est la dernière danse de Daniel Yvinec en tant que directeur artistique de l’Orchestre National de Jazz. En effet, depuis 6 ans, le contrebassiste multi-instrumentiste et producteur dirige, ce qui est désormais devenu une véritable institution dans le paysage jazzistique français, l’ONJ. Pensé comme un laboratoire de création musicale, bouillonnant et énergique, le projet regroupe 10 jeunes artistes virtuoses et prometteurs, dont l’objectif est d’ouvrir les frontières du jazz aux musiques électroniques, à la soul, au funk, à la pop ou au hip-hop n’hésitant pas à frôler le rock psychédélique.
« The Party » fait suite à « Carmen », bande originale imaginée pour le film muet de Cecil B. DeMille, « Broadway In Satin » hommage à Billie Holyday, « Around Robert Wyatt », « Shut Up And Dance » qui s’intéressait à la relation entre musique et mouvement, « Dixcover(s) » proposant de revisiter en petit comité (du duo au quartet) une sélection d’œuvres mythiques, puis « Piazzolla » le sixième volet, célébrant l’immense compositeur et bandonéoniste Astor Piazzolla.
Cette septième célébration du métissage fut élaborée cette fois-ci avec la collaboration du trompettiste new-yorkais aux multiples casquettes Michael Leonhart, remarqué aux côtés de Steely Dan, Yoko Ono, Brian Eno, Paul McCartney, Mos Def ou encore Bobby McFerrin. La musique écrite à 4 mains a ensuite été enregistrée instantanément par l’orchestre, sans répétition, dans le mythique studio Vogue en région parisienne. Datant des années 60, il est un lieu privilégié pour les captations en live, son passé glorieux en atteste avec le passage de noms illustres tels que Gainsbourg, Marvin Gaye, Dutronc, David Byrne ou Depeche Mode.
Daniel Yvinec a retravaillé ces enregistrements en y intégrant sa touche électro et son lot de beats, de loops, de samples et d’effets. Les 15 titres de l’album, entre compositions originales et relectures de succès planétaires, plongent l’auditoire dans une tambouille de grooves acoustiques et électroniques enivrante où le « Requiem Pou Un Con » de notre cher Serge côtoie le slow de The Korgis « Everybody’s Got To Learn Sometime » et où « je m’appelle Géraldine » de Jean-Claude Vannier croise « Rainy Day/Strawberry Letter 23 » de Shuggie Otis. Ce savant mélange revisite un héritage musical aussi vaste qu’éclectique avec une liberté étourdissante, à tel point que « The Party » d’Henri Mancini se transforme en une déferlante rock psyché up-tempo et que « Once In A Lifetime » des Talking Heads prend des allures glitch…
L’aventure se termine donc pour Yvinec et ses dix musiciens, mais pas pour l’ONJ qui, sous la direction du guitariste et compositeur Olivier Benoît, continuera son périple aux confins du jazz avec au menu le programme EUROPA, projet évolutif sur quatre années, qui sera dédié à plusieurs capitales européennes dont Paris et Berlin en 2014.
Nicolas Hillali