(Pias)
En trois décennies, le leader de Eels a sorti pas moins de 17 albums. Mark Oliver Everett fait partie de ces artistes qui créent pour survivre. Écrire, composer est pour lui bien plus qu’une urgence, c’est une nécessité profonde, vitale. Tout ce qu’il écrit vient de ses entrailles, de son être, et cela depuis la sortie de son premier album, Beautiful Freak (1996) porté par le tube planétaire « Novocaine for the Soul ». Face à l’immense succès de cet album récupéré par la pub et le cinéma ( le titre « Your Lucky Day in Hell » figure dans la BOF de Scream 2 et My Beloved Monster dans la BOF du film d’animation Shrek), le discret Mark Oliver Everett qui fuit les lumières de la célébrité, continue ses expérimentations sonores autour de mélodies mélancoliques et de paroles désemparées. Au fil des chansons, il nous confie ses névroses, ancrées dans une sorte de contemplation de ses chagrins face aux ratés de la vie. Le chanteur gère ses angoisses d’une manière poétique sur fond d’un humour au second degré souvent grinçant. Cette nouvelle séance de thérapie commence dès « Time », un titre folk méditatif sur la prise de conscience de la vie, du peu de temps qui nous est alloué sur terre. Le californien exprime son talent mélodique dans cette ballade folk introspective portée par la douceur d’une guitare acoustique et de cordes sur laquelle plane sa voix singulière. Dans « We Won’t See Her Like Again » il nous parle de l’amour avec un grand A, celui que l’on ne peut pas retenir.
Il faut savoir que Mark Oliver Everetts a écrit la majeure partie des nouveaux titres après avoir subi une intervention chirurgicale pour corriger un anévrisme de l’aorte qui aurait pu le tuer. La mort. Voilà un sujet récurrent de ses chansons. Depuis les débuts, à mesure que les drames se succédaient, Mark Oliver Everetts s’est accroché à elles comme à des canots de sauvetage. A dix-huit ans, il découvre son père mort un matin dans son lit. Il a 20 ans quand sa sœur, psychotique et toxicomane, se donne la mort. Quelques mois plus tard, sa mère lui apprend qu’elle ne survivra pas à son cancer du poumon. Sa meilleure amie succombe à une tumeur au cerveau, et le 11 septembre 2001, sa cousine, hôtesse de l’air, se trouve dans l’un des avions qui s’écrasa sur le Pentagone. C’est sans compter les chagrins d’amour à la pelle. La vie de cet homme est un chemin de croix. Mais, en alchimiste inspiré, il est toujours parvenu à transformer sa peine en chansons désarmantes. A l’exemple de « Goldy » véritable ode à son poisson rouge avec lequel il entretient une relation plus saine qu’avec les êtres humains. Ses rapports difficiles avec les autres s’illustrent magnifiquement dans cette ballade pop douce amer » Lay With the Lambs » tout comme dans la berceuse « Song for You Know Who » deux chansons pleines de dérision sur la nature humaine. Son univers, plein de spleen et de mélancolie, est illuminé de mélodies scintillantes, rehaussées de cordes telles « I Can’t Believe It’s True » ou ce sublime « Let’s Be Lucky » dans lesquels il partage ses réflexions sur sa vie et son avenir. Avec « Time ! », le songwriter et multi-instrumentiste confirme son talent de songwriter à travers une créativité renouvelée. Vivement une nouvelle date de concert chez nous !
Jean-Christophe Mary
