(Sorti le 15/06/1979)
Juin 1979. Ian Curtis tient fébrilement dans les mains “Unknown Pleasures”, le 1er album de son groupe, Joy Division. L’impatience cède toutefois vite la place à l’incompréhension. Comme le reste du groupe, le chanteur va d’abord détester ce qu’il entend. Il ne retrouve pas les rythmes agressifs qui caractérisent leur son en concert. Tout est froid et saccadé dans la production de Martin Hannett, à l’image de Manchester en ce début de décennie. L’habillage sonore fait en effet la part belle à des expérimentations audacieuses. On discerne des crissements (l’ascenseur du studio), du verre brisé ou le spray d’un désodorisant ! Et que dire des conditions d’enregistrement, lorsqu’il a fallu par exemple enregistrer une par une des parties de batterie… sur le toit du studio ! L’incompréhension est aggravée par une pochette tout aussi cryptique. Un simple rectangle représentant des ondes blanches sur fond noir. Pas de nom de groupe, aucune parole ni photo des membres dans la pochette intérieure.
La déception gagne le groupe qui, heureusement, ne cherche pas à tout changer. Comme le bassiste le reconnaîtra plus tard, cet ensemble a contribué à faire “d’Unknown Pleasures” un album légendaire. La pochette de Peter Saville, devenue iconique, lancera définitivement la carrière du designer. Surtout, leur son ainsi traité devient unique et singulier. Il va traverser les époques pour magnifier ce qui, sinon, serait peut-être resté comme un énième disque de rock. La voix sépulcrale de Curtis, les lignes de basse de Hook, les accords grattés de Sumner et la rythmique motorik de Morris sont reconnaissables entre mille. En dix titres et 39 minutes Joy Division entre dans la légende en posant les bases d’un genre musical auquel The Cure, la Cold Wave ou plus près de nous Interpol, Radiohead, Frustration ou Vox Low doivent tant.
Laurent Bruguerolle