KOOL SHEN

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7 ans, le mic’ mis de côté. Lunettes vissées sur le nez, cartes à la main, il était devenu serial bluffeur sur table de poker. Un talent d’acteur qu’il avait aussi mis au profit du cinéma. Kool Shen aura donc pris son temps, mais il est bien de retour. A 50 ans, « Sur le Fil du Rasoir », troisième album solo de l’ex-NTM prouve que le rap n’est pas une question d’âge, mais d’état d’esprit. « « Le Monde de Demain », laissait présager d’un avenir compliqué, nuancé peut-être par nos jeunes âges et espoirs. 25 ans après, tout ne fait qu’empirer selon moi. »

 

 

Dans le titre éponyme de l’album, « Sur le Fil du Rasoir », vous dites avoir vu le monde changer. Evoquez-vous le monde de la musique ?

C’est une pensée plus globale qu’un simple regard sur la musique, un avis général. Je fais surtout référence à une situation géopolitique plus qu’inquiétante…

 

En 2009 sur « Crise de Conscience » vous aviez justement dit être inquiet de cette situation. Une analyse tristement juste mais imaginiez-vous un tel scénario ?

Un tel scénario peut être pas, mais j’avais dans un précédent morceau évoqué 2030, et je parlais déjà un avenir à problèmes. Je n’imaginais pas précisément tel événement, mais je sentais que la situation était très alarmante. Malheureusement, il me semble que ce que l’on vit est récurrent depuis que j’écris. L’un des premiers textes avec NTM, « Le Monde de Demain », laissait présager d’un avenir compliqué, nuancé peut-être par nos jeunes âges et donc nos attentes et espoirs. 25 ans après, j’écris toujours mais j’ai l’impression de traiter des mêmes thèmes puisque malheureusement peu de choses s’arrangent. La situation ne fait qu’empirer selon moi, il suffit d’ouvrir les yeux. Le climat social est très hostile avec un chômage qui a explosé. Dans les années 1990, on y allait tout droit mais ce n’était pas encore le cas. Aujourd’hui, la différence entre les plus fortunés et les plus démunis s’est accrue. Forcément, nous ne pouvons pas nous attendre à une amélioration de la situation.

 

Vous dites « Ensemble on doit rester debout ». C’est utopique ou vous y croyez réellement ?

Ni le rap, ni une chanson ne peut aider à unir un peuple. Dans « Debout », je parle surtout de ce que je ressens. J’ai un enfant de 12 ans qui me regarde, je me dois d’aller de l’avant. Je ne suis pas un utopiste mais en me levant le matin, je ne me dis pas « la cause est perdue et on part au K.O. ou au marasme ». Malheureusement, c’est ce que je constate mais je préfère me réveiller le matin avec une attitude positive. Pour preuve je fais des choses qui me passionnent. J’essaye de positiver pour moi et mon entourage.

 

Vous avez commencé à écrire l’album en 2014, et il sort en 2016. Pourquoi avoir mis autant de temps pour le finaliser ?

Parce que je suis lent (rire) ! Je ne suis sûrement pas le plus rapide à écrire. Parce que j’ai fait une vingtaine de morceaux pour n’en garder que treize. Parce que je n’ai sorti l’album qu’une fois être totalement satisfait du résultat. Parce que j’ai eu une petite opération des cordes vocales au mois de juin 2015…

 

Justement, cette intervention n’était-elle pas stressante en plein milieu du processus ?

Pas plus que cela. Je t’avouerai que je ne suis pas quelqu’un de très stressé, et puis surtout le médecin m’avait rassuré. Il m’avait dit que j’allais avoir 2 mois d’indisponibilité mais que c’était une opération bénigne qui arrivait à des tonnes de personnes. Je n’ai donc pas paniqué mais ça m’a retardé. J’ai aussi en parallèle eu d’autres activités. Je viens de finir un film notamment. J’ai donc pris mon temps pour faire les choses bien et une fois satisfait du résultat, nous l’avons sorti, c’est aussi simple que cela.

 

Dans cet album, vous avez collaboré entres autres avec Soprano. Une union surprenante puisqu’ il dévie de l’univers purement rap. De plus, il vient tout droit de Marseille ! Comment vous êtes-vous rencontrés et comment l’idée de ce featuring est-elle venue?

C’est surtout qu’il vienne de Marseille qui m’a arraché le cœur. Collaborer avec un marseillais, ça m’a fait mal (rire) ! Plus sérieusement, qu’il soit de Marseille ou de Madagascar ne change rien. Dans « Debout » je dis : « pas fan des frontières, la Terre c’est mon pays ». Nous avons toujours été bien accueillis à Marseille, même durant NTM. Je connaissais déjà un petit peu Soprano et c’est une personne que j’apprécie beaucoup. C’est un performeur sur scène et avec les Psy 4 de La Rime ils ont tenu le pavé pendant dix ans après la génération NTM. Ça paraissait logique en fait. Sur le morceau, il fait le refrain, plutôt chanté, qui a été écrit par Jeff Le Nerf. A l’origine, Jeff devait poser dessus mais comme il intervient déjà sur l’album, nous nous sommes demandé qui pourrait le remplacer. A ce moment, c’était presque évident d’imaginer Sopra chanter le « Sais-Tu Danser » (qu’il chantonne).

 

En tous cas le morceau est entrainant. Il pourrait peut-être devenir le prochain single ?

C’est une bonne surprise. Comme quoi, ça marche de faire des choses un peu différentes. Cependant, il n’est pas prévu que le morceau devienne un single. Les deux prochains titres qui seront envoyés seront « Edgar » et « Debout ». Ils viennent d’ailleurs d’être clipés.

 

En parlant de clip, « Ma Rime » est sorti il y a un mois environ. La mise en scène sobre, élégante et épurée est-elle une de vos idées ?

Oui, c’est ce que l’on voulait. C’est une idée commune avec Charly Clodion qui reflète ce que je voulais. Sobre, élégant, épuré sans prétention de ma part tu as dit les mots. Je voulais un clip qui n’ait pas forcément les codes du rap.

 

Il n’y a toujours pas de dates de concert ou de tournée annoncées. Ça serait pourtant étrange de ne pas vous revoir sur scène ?

Je rencontre des tourneurs cette semaine, nous allons voir ce qu’ils peuvent me proposer. Quand, tout d’abord, car en s’y prenant maintenant, c’est sûrement une tournée en septembre que nous visons. Cet été il y a les festivals qui sont déjà quasiment complets. Surtout, je veux m’assurer que le tourneur puisse me proposer un certain nombre de dates. Je n’ai pas envie de faire une petite tournée. Aussi, si je pars, c’est pour y aller avec des musiciens. Il nous faudra donc un bon mois de répétitions pour monter un show conséquent. Si tous ces éléments sont réunis, alors oui.

 

Quand j’ai annoncé à des amis que j’allais t’interviewer, l’un d’entre eux m’a dit : « Kool Shen c’est un sacré monument ». Est-ce que vous avez conscience d’avoir marqué, non pas une génération mais l’histoire du rap.

Quand tu me le dis comme ça oui, mais je ne sais pas si c’est majoritaire chez la nouvelle génération. Oui, et sans prétention, sur la génération des 30/40 ans, on a bien dû marquer deux, trois personnes. Néanmoins, pour les plus jeunes, j’ai un doute. Pour tout te dire, lors du tournage à Marseille, la maquilleuse qui avait la vingtaine pensait que c’était mon premier clip. La plupart des jeunes de ta génération ne me connaissent pas. Avec NTM, nous avons arrêté en 1998 donc tu peux en avoir vaguement entendu parler. Prendre ça, comme un mythe qui a marqué l’histoire, je ne crois pas. La nouvelle génération doit aller s’informer pour nous connaître. Et encore ils diraient simplement : « Tiens je sais, je connais les pionniers ».

 

Thomas Bovyn

www.facebook.com/KoolShenOfficiel

Crédit photo : Patrick Fouque

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