Quelques heures avant de monter sur la scène du Midem, pour y interpréter les morceaux de son dernier album « ¡ Adelante ! », le pianiste de jazz, Giovanni Mirabassi s’accorde une pause et devise avec les journalistes sur le Show Business, mais aussi sur le rôle de l’artiste dans la société.
Ses prises de position tant politiques que musicales lui ont valu le surnom de « rebelle du jazz », en quinze an, Giovanni Mirabassi a imposé son style à la fois incisif et empreint de romantisme, autant dire un vrai pavé dans la marre du jazz. Car cet autodidacte de la musique a appris à s’imposer par « la force », celle de sa volonté et mieux que quiconque connaît le sens du mot « maîtrise », comme il l’explique « de nos jours on demande à un artiste à la fois d’être au top de son instrument, mais aussi un expert en communication, d’être son propre manager et autres ». Et au top, il est indiscutablement, comme il dit avec une once de fierté : « je figure parmi les 50 meilleurs pianistes au monde » et lorsque l’on connaît son histoire, celle-ci est loin d’être déplacée.
« Tu n’as pas assez de talent pour être musicien ! »
Les ambitions musicales de la famille se reportent sur son frère Gabriele, clarinettiste et pour Giovanni, de deux ans son cadet, il n’est pas question de penser à la musique : « mon père avait décidé que je n’avais pas assez de talent pour faire un bon musicien et souvent à table, il interrogeait mon frère pour savoir si à son avis je ferais un bon instrumentiste » et la réponse était invariablement négative. On va jusqu’à lui interdire de toucher à cet instrument : « mon frère détenait la clef du piano qui était enfermé dans une pièce à laquelle je n’avais pas accès ! ». Ces tentatives pour le lui soustraire, loin de l’en dissuader, le renforcent dans sa conviction que son avenir passe par le piano « à Perugia je suis tombé sur un groupe chilien, Inti Illimani qui donnaient un concert pour remercier la ville de les avoir accueillis. J’ai été littéralement foudroyé par la beauté de cette musique et l’importance des voix, y compris solo, c’est ce qui m’a incité à poursuivre dans la musique » . Las de lutter contre la volonté familiale qui voit en lui un futur avocat, il quitte sa Perugia natale pour l’Italie du nord, il a alors 16 ans. Ses « vrais cours » remontent à cette période de sa vie, trois ans plus tard, le saxophoniste Steve Grossman l’invite sur scène : « Je remplaçais le pianiste qu’il avait viré, personne n’a su pourquoi. Mal luné, sans doute… J’ai encore le souvenir du trac… et cette sensation de me voir enfin dans le coup ». Parachuté en conservant la sensation d’observer le frisson de l’extérieur. Comme à travers un miroir. Il suivra Grossman pendant toute sa tournée italienne.
D’architectures à « ¡ Adelante ! » Un brin révolutionnaire !
Révolutionnaire, il l’est dans sa conception du jazz, avec une idée fixe : imposer à tout prix la mélodie dont il ressent parfois l’absence dans certains morceaux de jazz contemporain. Ce qui ne l’empêche pas de refuser tout net une proposition de son manager : « il souhaitait que je revisite des grands airs d’opéra, mais non, je ne le ressentais pas et j’ai décliné son invitation ». Par contre il émet un souhait qui est celui de prendre le répertoire révolutionnaire à bras le corps, après « Avanti ! » il décide de monter d’un cran dans le répertoire révolutionnaire en revisitant le répertoire sud-américain. Pour enregistrer « ¡ Adelante ! », il part aux studios Abdala à Cuba, son toucher onirique couplé à une sorte d’audace et son goût pour la mélodie envoûtent littéralement le public cubain et le 1er mai 2011, il interprète sur la plus grande place de la Havane :l’Internationale ! Car pour lui être artiste c’est prendre position, s’engager dans la vie de la cité, d’ailleurs ne dit-il pas que. « L’artiste doit retrouver sa place et assumer un rôle dialectique de contre-pouvoir qui permet d’élever les consciences. ». Plutôt à gauche lui qui a vécu une enfance démocrate-chrétienne. Il n’est cependant pas dupe sur Castro, mais dénonce l’embargo imposé par le puissan voisin : les États-Unis « c’est l’un des embargos qui a le plus duré dans l’histoire contemporaine. Il plombe toute possibilité d’ouverture démocratique depuis des lustres ». Il reprend « Hasta Siempre » (« hymne de la révolution cubaine »). « J’ai fait ce disque dans un esprit sans doute moins pacifiste, plus militant, qu’ « Avanti ! ». L’approche reste la même, mais la nécessité se fait plus urgente. Il faut prendre parti. » Giovanni Mirabassi s’engage corps et âme. « Mon propos était de reprendre les mélodies comme elles sont, de me fier à leur sentiment d’urgence, de confiance et de liberté intrinsèque. » De telles qualités s’appliquent à celles qui ont habité le continent sud-américain comme « Gracias a La Vida » de Mercedes Sosa. Il n’oublie pas non plus : « Le chant des canuts », « un slogan qui redonne toute sa force au concept de lutte ouvrière » et « Graine d’anar », « L’Affiche rouge », Léo Ferré et Aragon. Avec « Viva Verdi » son dernier opus, il flotte encore un parfum de révolution, ce cri de ralliement des Carbonari et de l’insurrection anti-autrichienne, désormais lié à la fronde culturelle et verdienne menée cette fois par Riccardo Muti en personne : « Le Maestro n’accepte jamais de rejouer deux fois un air, car il estime qu’un Opéra doit se concevoir comme un tout homogène, au moment de rejouer le : « Va Pensiero », il s’est retourné vers le public et à fait un speech pour attirer l’attention des membres du gouvernement présents, pour le 150ème anniversaire de l’Unité italienne, sur la situation de la culture en Italie et tout l’opéra a crié Viva Verdi». Giovanni Mirabassi s’est associé à « Viva Verdi » et le choisissant comme point de départ à son nouvel album. On le retrouve au piano entouré de « 30 cordes ». Et preuve qu’il n’est jamais bien loin de la politique, c’est en Corée du sud que sera interprété pour la toute première fois ce nouvel opus aux forts accents révolutionnaires !