Arsene Obscene fait partie des groupes importants de la scène rock régionale. Depuis Electric Mormons, ils ont fait évoluer leur musique pour passer à un punk rock chanté en anglais, se faisant ainsi remarquer à l’étranger. Ils sont même diffusés par les radio US, ce qui est assez rare! Désormais, ils ont à leur actif deux albums et bientôt un troisième. Rencontre.
D’Electric Mormons à Arsene Obscene que s’est il passé?
Arsene : Les Mormons, cela a commencé il y a très longtemps. Il y a eu deux périodes : de 2002 à 2005, avec certains musiciens et une autre de 2011 à 2019. Tout en étant dans les Mormons, j’ai toujours eu d’autres groupes en même temps. A partir de 2009, j’ai fait un projet solo, avec un petit ampli minuscule de 10 cm de haut, en plastique, qui avait une super disto, un beau son et des boîtes à rythmes. J’ai mis ça sur le web et le batteur des Spitz, qui est un groupe de punk américain, a entendu ça. Il a trouvé ça génial et a demandé à Slovénie Recording de le sortir. Deux semaines après, j’avais un disque sur un label américain. C’est comme ça qu’Arsene Obscene a commencé. En parallèle, il y avait Electric Mormons.
Marshall : On a commencé par un tribute à Johnny Thunder, avant la reformation des Electric Mormons. En 2011 on a reformé les Mormons.
Arsene : Raoul était dans le premier groupe en 2002. On a pris Marco à la guitare qu’on connaît depuis longtemps.
Raoul : J’ai joué dans les Mormons première mouture, ensuite je me suis mis en retrait du rock’n roll. J’ai repris lorsqu’ils m’ont sollicité pour les Electrics Mormons. J’aime la musique d’Arsene, tout comme jouer avec lui. Il y a également eu Motarlozers avant. Arsene avait des textes en anglais et on a fait Arsene Obscene and the Loozers. Nous, en tant qu’accompagnement, on participe à l’arrangement des chansons, mais c’est Arsene le leader maximo.
Arsene : J’ai toujours été leader du groupe, car même sans que je le veuille, ils ont tendance à me dire c’est toi qui écrit les morceaux. A la base pourtant, je ne voulais pas trop, car Raoul a plus la personnalité pour être le leader. Quand tu écris et choisis les morceaux, tu te retrouves de facto leader.
Raoul : C’est ce qui fait l’originalité du groupe. L’intitulé du groupe signifie bien qu’il y a Arsene, accompagné du groupe The Loozers. C’est Arsene la patte artistique, ce qui est assez original. Tous les groupes ne font pas cela.
Pourquoi le nom Arsene Obscene?
Arsene : Ça m’est venu en 2002. On s’est ensuite trouvé des pseudo punks, comme cela se faisait en 1977.
Raoul : Ça me rappelle Les Crados. Chacun à son petit nom. Il y a Arsene Obsene, Raoul Misanthrope et le Marshall. Il y a aussi eu David Nitric.
Arsene : Arsene ça rime avec obscène c’est une rime idiote. Ça fait Crados et ça évoque le punk, les choses un peu provoque. Le nom est facile à retenir.
Quelles sont vos influences?
Arsene : Pour parler des groupes que tout le monde connaît, je dirais The Nerves pour le côté pop, les Ramones pour le côté mélancolique et The Saints pour le côté rock’n’roll. Après j’écoute des tas de groupes peu connus. On pourrait faire les malins à sortir des noms. Quand on écoute l’album, on peut trouver toutes ces influences là. Le côté Ramones, c’est pour avoir compris leur tristesse, car je trouve que leur musique est triste. J’essaye d’en mettre un petit peu, c’est plus joli par rapport à de la musique qui est agressive. C’est sympa.
Raoul : J’aime bien la pop anglaise : The Television, The Beatles. C’est que j’aime bien dans notre groupe d’ailleurs. Le côté tordu qui va à l’essentiel. Il n’y a rien à jeter. A la basse je suis dans une tension jubilatoire.
Arsene : C’est vraiment du rock’n’roll ! On a tout enlevé. Il n’y a plus de solo, ni de pont, ni de refrain. Tu gardes l’essentiel. Pour moi, le rock’n’roll c’est quand tu gardes vraiment l’essentiel, les choses existantes, sans décorations. Que tout soit tendu et que rien ne soit à jeter. Il ne faut pas que ça soit chiant.
Raoul : C’est du rock’n’roll, car lors du dernier concert tout le monde dansait.
Ces deux ans de Covid ont eu quels effets sur le groupe?
Arsene : Personnellement, ça m’a permis de sortir des textes. J’ai également eu envie d’écrire sur certains sujets, cela m’a inspiré. On a écrit, répété, enregistré et on a un peu joué en 2021.
Marshall : On ne s’est pas arrêté.
Arsene : Quand on enregistre, on a l’impression que c’est facile ce qu’on fait, mais ce n’est pas vrai. C’est une mécanique à régler. On essaye de composer plus de morceaux que ce qu’on va garder, pour faire des albums au top. Je n’ai pas envie que quelqu’un s’emmerde sur un morceau. On enregistre deux fois plus de morceaux et on garde vraiment les meilleurs. Cela demande beaucoup de boulot, car on teste plein d’idées et on dégage les morceaux qui ne sont pas assez bons. Il ne faut pas avoir peur de dégager les mauvais morceaux. Certains groupes gardent de mauvais morceaux et je me demande s’ils se rendent compte que ce n’est pas bon.
Raoul : Ce qui m’a déçu pendant le covid, c’est que dans le milieu de la musique et du rock’n roll c’est ce que les gens exprimaient. Ils étaient coincés chez eux et partout sur les réseaux sociaux il y avait le vœu que tout cela s’arrête, qu’on puisse sortir etc. Et à la sortie, il y avait moins de lieux de concerts, les gens sortaient moins ou pour voir du karaoké ou des groupes de reprises dans des bars un peu plan-plan. J’aurais pensé qu’il y aurait une libération, une émulation, due à la frustration du confinement. Dans le groupe, cela ne nous a pas impacté. C’est peut être la ville de Nice qui est une ville fatiguée. A la fin du Covid, au lieu d’être dans une émulation et une euphorie, de voir et faire des choses, on est resté dans un truc très très plan-plan.
Arsene : Cela a finalement plombé encore plus les choses qu’avant.
Marshall : On discutait avec les gars avec qui on répétait. Venir répéter, c’était un effort et ils avaient peur de tout. Là, j’ai l’impression que ça revient doucement. Avant le Covid, tu ne pouvais pas avoir deux heures, il fallait téléphoner quinze jours avant. Maintenant tu peux appeler la veille et c’est bon. Avant c’était impossible. Il y a donc bien un truc qui s’est passé !
Arsene : Depuis qu’il n’y a plus le Volume, ça a tué un peu le live au niveau des salles. C’est dur pour le rock’n’roll.
Le changement de paroles du français à l’anglais, pourquoi?
Arsene : A un moment donné, cela faisait tellement longtemps que je faisais des textes en français, que j’ai eu envie d’en faire en anglais. Arsene Obscene, au début, était en français aussi. Avec les Loozers, j’ai eu envie de faire des textes en anglais. En français, c’est une certaine façon de chanter et en anglais, ce n’est pas la même façon. Tu as d’autres sons, une autre musicalité. Ensuite, on ne peut pas dire qu’on a pas fait de textes en français. On en a fait des centaines.
Raoul : Tout ce que j’ai composé c’était en français. Je n’arrive pas à composer en anglais. Ce qui est intéressant avec Arsene au chant, c’est son débit. C’est super intéressant avec une petite touche british. En concert, on reprend de temps en temps des chansons qu’a fait Arsene en français. On ne s’interdit rien en concert.
Arsene : Il ne faut pas chercher à faire de l’anglais comme dans les livres. Il faut trouver des slogans et des formules. Parfois, l’accent anglais n’est pas super correct. C’est comme les Ramones : «She don’t care» et tu ne dis pas «she doesn’t care» ! On s’en fout que cela ne soit pas hyper correct. Je ne cherche pas à être super correct niveau grammaire.
Raoul : Ce qui fatigue, ce sont les accents surjoués. Ce n’est pas naturel. Avec Arsene, c’est naturel et musical. Cela fait passer une désinvolture, qui fait passer l’émotion.
Sur l’album, y a-t-il un message que vous voulez faire passer?
Arsene : C’est “aller écouter de la musique qui vous éclate, excitante, du vrai rock’n’roll quoi. De la musique qui vous donne envie de bouger, danser et de casser des trucs”. Oui les paroles parlent de sujets de cul, mais ce n’est pas tellement grave. Les gens ont de nouveau envie d’écouter du rock’n’roll, car l’ambiance est un peu morose dans la société. C’est donc le moment d’aller écouter du rock’n’roll !
Raoul : Arsene a quand même des messages, même s’il le dit pas. C’est un révolté parmi les plus dangereux, c’est un révolté soft. Il ne va pas être dans des théories marxiste, mais sur l’isolement et les pensées stéréotypées. Il revient à l’essentiel du rock’n’roll, donc on s’y retrouve, moi je m’y retrouve. Les histoires de culs et de sentiments, c’est l’essentiel de la musique. C’est la base du rock’n’roll ! Il y a quelque chose de rebelle, mais sans messages idéologiques lourds. Il n’y a aucune prétention politique.
Où est passé le quatrième membre du groupe?
Arsene : On est trois depuis 6 mois. Il a eu quelques soucis, il est loin, sur Marseille. C’est pour cela que je reprends la guitare alors que je n’étais plus qu’au chant.
Marshall : Moi je suis triste que Marco ne soit pas là. Cela m’a affecté un peu. Tu joues depuis dix ou quinze ans avec des mecs et du jour au lendemain il doit partir. Chacun fait comme il peut.
Arsene : C’est un guitariste exceptionnel qui joue sur les deux premiers disques.
Raoul : Un punk no limit.
Je trouve que sur l’album il y a deux influences fortes, les Ramones pour le côté catchy, pop et deuxièmement le punk anglais.
Arsene : C’est vrai !
Raoul : C’est totalement ça ! Effectivement, sur beaucoup de morceaux il y a cette espèce de touche, cette nostalgie pop qui nous ramène au Ramones et ce côté smash in the face de la pop anglaise.
Arsene : Ce qui fait anglais, c’est la façon de balancer les textes sur la mélodie. Il faut que cela soit très précis, c’est quasiment militaire comme truc. Les autres groupes américains, pas les Ramones, font comme pour le blues, ils swinguent sur le son. La façon de chanter sur l’album est très précise, il n’y a pas de déconnade. C’est de la pop très dirigée. Je ne veux pas improviser, faire le con avec ma voix. Il n’y a pas de «feeling», ce n’est pas fait pour être joué en improvisation. Quand on fait les morceaux sur scène, on ne les fait pas déborder d’une seconde par rapport au disque.
Marshall : J’adore les Ramones pour leur côté pop punk chewing-gum. J’étais un grand fan des Clash, je les écoute beaucoup moins maintenant.
Des concerts à venir ? Une tournée ?
Marshall : C’est compliqué.
Raoul : Ce serait bien d’un peu quitter la région.
Arsene : On est très copain avec les gens de Toulon. On est demandé un peu «de partout». Il y a des allemands, des bretons, qui nous ont demandé, car ils nous connaissent un peu.
Nous sommes maintenant un peu connus partout. On est sur deux labels français qui sont réputés et au niveau international c’est distribué. Parfois, on nous dit viens jouer à Cologne, mais comment tu peux faire pour aller jouer à Cologne juste pour une date ?! C’est super difficile. Et faire une tournée quand on a un travail, quand on a plus vingt ans, ce n’est pas évident non plus.
Raoul : J’aimerais bien qu’on joue à la fête du château si c’est possible. On y jouait avec les Electric Mormons.
Arsene : On est sur deux labels Monotone Reccords et Dangerhouse Skylab. Il y a eu deux ou trois articles dans Rock & Folk. Les disques sont disponibles partout, même à l’international. On passe sur les radio américaines, sur WFMU la meilleure radio américaine rock. Par contre à Nice, on ne peut pas dire qu’on nous demande tous les jours en concert. Comme on dit : nul n’est prophète dans sa ville.
Un 3ème album en vue ?
Arsene : J’écris des morceaux pour un troisième album en tout cas. J’en suis à treize, mais j’aimerais bien arriver à vingt-quatre morceaux, pour ensuite enlever les moins bons. Pour le moment ces treize sont très très bien, mais ensuite je ne sais pas si je vais évoluer dans la composition. Sur une des nouvelles chansons, au lieu de faire couplet refrain couplet refrain, on va faire couplet pré pont et pont refrain. Pour nous c’est déjà extrême.
Marshall : Je trouve que plus ça va, plus les compositions s’améliorent. Le troisième album va être le summum.
Arsene : Chaque disque a sa petite personnalité. Le premier était radical à mort, il était bien. Le deuxième était un peu plus évolué. Moi ce qui m’intéresse, c’est de faire des morceaux et de les enregistrer. On fera ça tant qu’on est pas trop “pété” par la vie.
Quels conseils donneriez-vous à un groupe qui démarre?
Arsene : D’arrêter ! Les pauvres (rires).
Raoul : D’oser se faire plaisir, de ne pas “pomper”. De s’approprier les choses et de ne pas faire des reprises. Il n’y a rien de plus touchant que les compos des jeunes groupes, même quand elles sont maladroites. C’est toujours cent fois mieux qu’une reprise. Il faut composer. S’il y a reprise, c’est pour se faire plaisir ! Ne pas aller dans le sens du vent. Tout sauf le groupe à reprise qui joue dans les pubs. Mon conseil c’est ça !
Arsene : Faut vraiment être très ouvert et écouter plein de trucs. En plus, maintenant c’est facile. Quand j’étais jeune, on ne pouvait rien écouter, on lisait “Best” ou “Rock’ n Folk”. On allait au disquaire, on achetait un truc. Maintenant, on peut tout avoir d’un coup ! Ils ont le luxe qu’on n’avait pas nous. Ils ont toutes les cultures musicales en un seul coup. Il faut beaucoup écouter ! Qu’ils se forgent comme ça avec la culture.
Raoul : Et d’être rebelle pour de vrai ! De faire un grand bras d’honneur ! Cette attitude est sexy. Tu peux pas faire un groupe de rock sans cette dimension un peu sexy. Il ne faut pas être dans la norme et ne pas chercher à plaire !
Marshall : A Nice c’est très compliqué.Je leur souhaite beaucoup de courage !
Laurent Thérèse