TIGRAN HAMASYAN / CARLA BRUNI / MELODY GARDOT @ JAZZ À JUAN

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#NVmagLiveReport
le 17/07/18 à la Pinède Gould – Juan-les-Pins (06)

Soirée assez inégale en 3 parties. Tout d’abord, l’inévitable pianiste prodige de ces 10 dernières années, Tigran Hamasyan, et son savant mélange de musiques traditionnelles arméniennes, classique et jazz, saupoudré de ses autres influences inhabituelles entre musique sérielle, et même heavy metal et dubstep. Ce soir, il aura été en piano solo, son percussionniste ayant eu un empêchement. Avec une incroyable maîtrise et une approche toujours originale des harmonies, Tigran réussit l’exploit de se donner à la fois une couleur ultra-personnelle et de composer des morceaux d’une qualité exceptionnelle. Comme à son habitude peu conventionnelle, il ira même jusqu’à s’accompagner en beatboxing en fin de set. Une prestation très acclamée dont on ne peut que déplorer qu’il n’ait pu avoir toute la dimension que lui donne ses formations habituelles en groupe.

C’est sur ce niveau déjà impérial que s’achève cette première partie de soirée, et c’est là qu’apparaît Carla Bruni avec une première chanson très vocale mais qui décroche dans les longues notes, virant à répétition sur le faux et un timbre qui envahit les médiums jusqu’à la nausée. Et on est parti pour une série d’une heure de berceuses et reprises lounge de standards du rock dont personne ne sera épargné et tous seront égratignés voire massacrés: The Clash, Abba, Depeche Mode, AC/DC… Un résultat correct pour un groupe qui jouerait au bar d’un hôtel 4 étoiles ou une soirée caritative pour EHPAD mais on est nettement en-dessous du niveau de l’artiste moyen qui a habituellement le privilège de jouer au festival du Jazz à Juan. Même les morceaux les plus joyeux suintent d’une incroyable déprime, les interludes sucrées à la voix de téléphone rose poussif semblant vouloir endormir et accompagner le public vers l’euthanasie pour l’ultime voyage…

Un contraste saisissant avec Melody Gardot en 3ème partie de soirée qui joue pourtant dans un registre lounge équivalent, et une acclamation décuplée dès la première chanson, pulvérisant sans appel toute la prestation de sa consœur. Interprète ultra-professionnelle, voix de velours cotonneuse, excellente pianiste et très bonne guitariste, Melody n’a besoin d’aucun artifice et affiche classe et glamour pendant tout son concert, visiblement heureuse de nous faire également partager son niveau de français parlé et ses expériences culturelles chez nous. Une interprétation absolument exceptionnelle et impeccable toutefois limitée par des chansons bien ficelées, certes, mais peut-être pas au niveau d’autant de talent. Une clôture somptueuse sur « La Chanson des Vieux Amants » de Jacques Brel mettra cependant tout le monde d’accord.

Somme toute, un géant de la composition, une géante de l’interprétation, et au milieu, une interprète surmédiatisée qui s’est retrouvée au pied du mur entre deux artistes de grand talent en délivrant la prestation la plus bancale et creuse de toute cette édition du 58ème Festival du Jazz à Juan. Un des derniers bastions de la garantie qualitative artistique doit-il faire le dos rond face aux pistonnages teintés de couleurs politiques ? Ce serait vraiment bien dommage.

 

Christopher Mathieu

Crédit Photos Jacques Lerognon

melody guitare

melody trio

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