Les 05 et 06/07/2024 sur la Place du Grand Jardin – Vence (06).
En 2023, les Nuits du Sud s’étaient offert une pause avec deux soirées gratuites tout de même consistantes. En 2024, le festival revient avec une nouvelle énergie et Cécile Bronner à la tête de l’équipe du festival. J’avais été reçu en 2001 avec mon groupe de reggae brésilien Djambi et j’avais apprécié de l’intérieur l’organisation qui mêlait pros et bénévoles pour emprunter le meilleur à chaque bord, un accueil technique et un hébergement au top et la convivialité avec l’équipe de volontaires qui nous encadraient. D’après ce que j’ai vu cette année, cet équilibre précieux semble avoir été conservé. Je me suis rendu à 2 soirées, la première proposait Raphaël et Fatoumata Diawara, un duo hétéroclite au premier abord mais en fait j’ai trouvé que les deux publics se sont harmonieusement mélangés et y ont finalement été de belles découvertes mutuelles.
Je ne dirai pas que j’écoute Raphaël chez moi mais son concert m’a étonné. Une petite anecdote tout de même sur ma première rencontre avec Raphaël lors d’une réunion du magazine Nouvelle Vague il y a peut-être 20 ans dans un bar à Nice. Avant la fin de la réunion, j’ai vu un jeune inconnu qui venait jouer humblement dans le bar, seul à la guitare, tentant d’accrocher l’attention des Niçois occupés à socialiser autour d’un verre. J’avais trouvé les rédacteurs du magazine peu curieux car à la fin de la réunion chacun était reparti de son côté sans prêter attention à ce jeune écorché vif, plein de conviction et de volonté à partager sa musique. Après son premier morceau il dit “je m’appelle Raphaël, je viens de loin pour vous présenter ma musique, merci les gens de m’écouter”. J’avais échangé quelques mots avec lui après son premier set, intrigué par sa présence et apitoyé par l’indifférence de mes collègues de rédaction. Un an après Raphaël sort “Caravane” et à la réunion les mêmes se l’arrachent ! Une fois de plus le constat est le même: le monde de la musique est souvent cruel. Sur scène aujourd’hui on retrouve cette même implication totale de Raphaël, un bon concert avec un public émotionnellement captivé.
Je connais bien Fatoumata Diawara que j’ai peut-être vue 5 ou 6 fois en concert. Sa personnalité ouverte et luxuriante fait merveille visuelle sur scène. Elle fait désormais partie des grands noms de la musique africaine. Cette chanteuse et actrice Malienne à la voix rauque fait ses débuts en tant que comédienne et arrive ainsi en France à la fin des années 90. Elle évoque sur scène la richesse culturelle du Mali et la beauté du continent Africain en s’adressant au départ à la jeunesse de son pays. Elle parle de plus en plus aux occidentaux, tentant à juste titre de tisser des liens humains basés sur des considérations concrètes et non sur les projections mutuelles. Sa musique est de plus en plus complète mais s’éloigne de ses bases africaines pour s’orienter vers un rock d’influence malienne, ce qui me plaît de moins en moins. Sans que cela ne semble pas déranger ce public bigarré qui venait aussi écouter Raphaël. C’est donc un pari réussi pour la programmatrice du festival !
La deuxième soirée, présentait du reggae et devait initialement présenter Hollie Cook en ouverture, une chanteuse reggae anglaise que j’aurais déjà dû voir 3 fois en 5 ans mais les 3 concerts ont été annulés ! Je ne comprends pas qu’on lui fasse encore confiance pour des tournées en France. Peu importe c’est le king Skarra Mucci qui l’a remplacé et ce spécialiste du groove vocal reggae dancehall accompagné d’un DJ a présenté un super show très dansant en toute simplicité. C’est pour moi le meilleur moment de ces deux journées et celle qui a fait danser le public des Nuits du Sud avec le plus de ferveur. Dans ce style, seul Shaggy peut rivaliser. Skarra Mucci a été plus qu’à la hauteur de son rôle de remplaçant de luxe.
Comme d’habitude j’ai été peu réceptif à la prestation de Julian Marley, je ne dirai pas déçu car c’est un artiste que je connais et dont je n’attendais pas grand-chose. Déjà je n’aime en général pas les héritiers qui font fructifier un nom de famille qu’on trouve en nombre dans le reggae surtout chez les Marley. J’ai vu Kymani Marley la même semaine et si c’était un peu mieux je n’ai pas été conquis non plus. Tous deux manquent de conviction sur scène et n’ont pas un super feeling sur les reprises de leur père. Attention ça sonne quand même et la public a accroché mais mon expérience fait qu’il en fallait davantage que son répertoire aux mélodies peu convaincantes pour me secouer. J’ai quand même passé une très bonne soirée surtout grâce au public reggae toujours aussi motivé et à Skarra Mucci et son powerful groove !
Pour finir je voudrais réaffirmer mon attachement aux Nuits du Sud, un festival qui est un vrai repère de l’expression musicale sur scène en région PACA avec une nouvelle équipe que je trouve plus attachante que la précédente mettant plus de cœur et d’humanité dans ce qu’elle fait, le tout avec moins de grandiloquence. Ce festival n’est pas parfait mais chaque année chacun peut y trouver sa propre musique selon ses goûts. Et j’espère qu’il est reparti encore pour longtemps !
Emmanuel Truchet