#NVmagLiveReport
Le 24/02/22 au Théâtre Francis Gag – Nice (06)
Deux parties et deux créations pour ce dernier concert de la saison MANCA 21-21. Pour commencer, « Doppelgänger I » de Yann Robin, une pièce pour trompette et dispositif électronique. Sur scène, Clément Saunier, trompette solo de l’Ensemble Intercontemporain. En régie, derrière son ordinateur, Robin Meier, réalisateur en informatique musicale et le compositeur qui assiste à cette première de son œuvre. On imagine que le trompettiste joue le rôle du romantique du double maléfique (Doppelgänger). Les sons de son instrument dopés, démultipliés, transformés par l’électronique se conjuguent à l’espace sonore généré par l’ordinateur. Des basses insoupçonnées fusent du pavillon, obturé, ou non, par la sourdine. Le souffle de l’instrumentiste transmit au micro revient en fusant dans les enceintes droites puis gauches puis se rejoignent en un flot contenu. Puis soudain, trop vite, une grosse dizaine de minutes, tout cesse comme si la lumière s’éteignait.
Elle se rallume vite sur fond oranger pour accueillir musiciens et comédien de « Chuchotements burlesques », pièce musicale composé par Alireza Farhang sur des textes et dessins d’André Michaux. Du théâtre musical pour un comédien, deux percussionnistes, un accordéoniste et un dispositif électronique de capture de mouvement. Les trois musiciens portent une veste noire à parements jaunes qui permettent de moduler les sons via les capteurs électroniques. L’acteur-récitant Bruno Boulzaguet est affublé de gants-mains immenses, façon Edward aux mains d’argent, qui activent aussi les senseurs sensibles. L’idée est de pénétrer dans l’univers de Michaud, en images, en musique, en formes. Plus qu’une mise en scène le spectateur assiste à une véritable chorégraphie. Les paroles parfois incantatoire résonnent, répondent aux instruments. Les mailloches frappent les lames du marimba, du vibraphone ou déclenchent en l’air les notes. L’accordéon quant à lui est simplement capté par les micros même si Anthony Millet s’autorise comme les deux percussionnistes, Wim Pelgrims et Elliot Harrison, quelques parties vocales. Gong et cymbales sont aussi de la partie rythmant le temps dans d’intenses vibrations. « Pourquoi je compose ? » nous demande le poète. Chacun aura surement sa réponse. Merveilleux spectacle dont on sort ému et subjugué.
La saison MANCA a couvert, cette année encore, un large spectre de la musique et création contemporaine. Quel dommage que le CIRM, privé de direction et de perspective, soit désormais menacé de disparition. La culture azuréenne, la culture tout court, perdrait là beaucoup de sa diversité et de son âme.
Jacques Lerognon