JAZZ A VIENNE du 28/06 au 15/07 au Théâtre Antique – Vienne

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Les 4 et 5 Juillet

Jazz à Vienne sonne pour moi l’ouverture de la saison estivale de jazz et ce festival est à mes yeux une référence. Même si par petites touches, discrètes mais au combien importantes, le changement de l’équipe dirigeante est perceptible, espérons que l’esprit reste, ce qui semble être le cas. La programmation de la scène de Cybèle est toujours aussi agréable avec notamment le 4, le trio de James Cammarck (contrebassiste pendant 30 ans d’Ahmad Jamal), le Columbia Jazz Band et le 5, le Magnetic Orchestra (extraordinaire), le duo Thomas Ehnco/Florent Nisse et Blick Bassy (à découvrir si vous ne connaissez pas, parti sur les traces de Skip James). Une scène gratuite, un public très nombreux pour des concerts de rêve avec, en plus, une température idéale. Le 4 du côté du Théâtre Antique, une vraie légende du jazz avec le quintet de Randy Weston (90 ans depuis avril) accompagné de musiciens d’exception, Alex Blake et son jeu inimitable à la contrebasse, les saxophonistes Billy Harper et TK Blue et le percussionniste Neil Clarke. L’essence même du jazz, le lien entre les racines et le moderne, entre les Etats-Unis et l’Afrique. Pour le 5, le programme étant alléchant mais pas d’accréditation. Juste un rapide commentaire sur ce fait : il serait temps que tous les acteurs du jazz rament dans le même sens, car le redressement judiciaire de la maison de disque « Naïve » et la faible fréquentation du 4 au théâtre malgré un programme de rêve (pourtant sans match de l’Euro et avec en première partie Lisa Simone, parfaite avec son spectacle rassemblant soul, jazz, histoire avec des reprises de Nina) sont des signaux forts montrant, si besoin était, que le jazz « historique » va mal ; mais au lieu de se donner les moyens de redresser la tête, certains sont plus préoccupés par des contingences personnelles et peu appropriées dans la conjoncture actuelle. Se lamenter est facile, surtout lorsqu’on se tire une balle dans le pied.

 

Merci à l’Euro ! Je ne suis pas sûr que ce remerciement soit partagé, l’événement footballistique ayant entraîné une baisse des fréquentations dans de nombreux lieux culturels, mais pour moi, et il faut être un peu égoïste, l’Euro entraîna le déplacement des dates du Nice Jazz festival, me permettant ainsi de passer plus de soirées à Vienne. L’édition 2016 est une édition importante car elle est annonciatrice de changements. Même si le Théâtre Antique est toujours aussi mythique et le public extraordinaire (quelle stoïcisme sous les trombes d’eau), Jazz à Vienne change, tout en conservant ses racines et son socle solide. Des concerts exceptionnels comme celui de John McLaughlin, Chick Corea (ils ne jouaient pas ensemble), Beth Hart ou Randy Weston, un concert décevant (Mehldau, Scofield, Giuliana), un où je n’ai pas accroché (normal je ne suis pas fan de Zappa) proposé par Esperanza Spalding. Mais Jazz à Vienne 2016 marque la rupture (déjà amorcée depuis plusieurs années) entre le jazz historique (Randy Weston) et le jazz moderne où l’électro ou la soul s’invite (Ibrahim Maalouf, Gregory Porter), où les jeunes viennent écouter du jazz, mais un jazz différent de celui de leurs parents et grands-parents. Et John Mc Laughlin ? Tellement avant-gardiste, son jazz aux sons rock séduit toujours autant. Je pense qu’il faut s’attendre pour les prochaines années à une évolution de la programmation (surtout avec une jauge à 7000 personnes). Un deuxième constat s’impose : le fossé se creuse entre l’ambiance du théâtre et celle des scènes gratuites, où d’un côté de grosses productions qui perdent parfois leur âme, se renfermant dans des rigidités structurelles (comme l’accueil des photographes) et les scènes gratuites où la liberté de la musique prend le pas sur tout et où le partage est une valeur commune aux artistes et aux spectateurs. Des concerts magnifiques se sont succédé devant une assistance nombreuse et radieuse (la scène de Cybèle était souvent complète). Quelques groupes méritent un coup de chapeau (liste non exhaustive). Blick Bassy éblouissant en se glissant dans les empreintes de Skip James. Kenny Wesley, une voix de velours, un look inimitable, un amour débordant. James Cammarck, toujours aussi percutant avec sa contrebasse et sa basse. Magnetic Orchestra (avec un visage connu des niçois, François Gallix à la contrebasse). Jeanette Berger, voix et piano grandiose. Gauthier Toux en solo et il grandit à une telle vitesse que les grandes scènes vont l’inviter (2017 ou 2018 ?). Nasser Ben Dadoo (avec Jeff Roques à la guitare) pour un set blues splendide. Et pour terminer, un groupe, peut-être à l’image du jazz de demain : Lunatic Toys. Allez les écouter, les découvrir, ils le méritent. 2016 a signé la fin de Jazzmix, mais surtout que Jazz à Vienne 2017 garde sa programmation off et que Jazz à Vienne ne se résume pas à deux concerts au théâtre. Jazz à Vienne a une âme, un cœur… j’espère pouvoir encore longtemps l’entendre battre.

Jean-Luc Thibault

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