Le 15/09/2023 à l’Alpilium – Saint Rémy de Provence (13).
Le jury du tremplin Scène ouverte a choisi avec enthousiasme le Fa.S.e.R. Trio. C’est donc eux qui ouvrent la soirée en première partie des frères Belmondo. Mais en prélude, sur le parvis de l’Alpilium, Au fil des cordes quartet nous fait voyager dans un monde où le manouche côtoie le swing, le klezmer et même les bohémiens du groupe Queen.
20h30, le trio s’installe en formation resserrée, Ugo Deschamps à la batterie sur la gauche, Max Atger et son sax au centre. Sur la droite, le bassiste, Nathan Bruel, arbore une combinaison à la Pete Townshend. Il avouera plus tard être un fan de John Entwistle, le bassiste des Who et, sans être aussi flegmatique sur scène, son style échevelé rappelle plutôt celui de Keith Moon. Mais revenons à la musique. Ils reprennent peu ou prou leur set de la veille en le dynamisant encore un peu plus. Les baguettes de Ugo Deschamps frappent les toms d’un tempo ferme et vigoureux ( tel un fils d’Éric Echampard ou un jeune cousin de Yoann Serra) sur lequel s’insinuent les riffs et solos de basse. Regardant l’un et l’autre, Max Atger enchaine les longues envolées sur son ténor. Son phrasé peut passer dans le même morceau de la douceur susurrée à la rudesse d’une attaque virile. Comme pour calmer le rythme, le groupe joue une ballade signée du bassiste. Apaisée mais pas exempte de subtilité. Ils démontrent, une fois encore, la très belle cohésion du trio. En final, ils nous offrent un thème qu’ils n’avaient -faute de temps- pu jouer la veille. Introduite par une boucle à flûte à bec, insérée dans un looper sur laquelle tout le groupe va nous entraîner vers une Afrique du Nord fantasmée. Mais il est déjà l’heure de laisser la place aux Belmondo Brothers et leur sextet. Un changement de plateau que les techniciens effectuent avec célérité et efficacité.
Deux claviéristes pour ce sextet, au Fender Rhodes: Éric Legnini, aux Farfisa, Rhodes et Steinway: Laurent Fickelson. Un peu en arrière, Thomas Bramerie et Dré Pallemaerts sont en charge de la rythmique. Derrière leurs lunettes noires, les deux frères Belmondo, Stéphane à la trompette, Lionel aux saxophones et flute. Ils puisent le répertoire de ce concert dans la musique du Grateful Dead, groupe mythique de la scène psychédélique californienne pendant plus de trente ans. La démarche peut paraître surprenante mais dès les premières mesures, on comprend que l’on va passer un grand moment. Les arrangements signés Lionel Belmondo sont impeccables. Ils plongent dans le rock si particulier de Jerry Garcia, le saxophoniste confie les parties de guitares aux deux claviers et octroie les parties vocales à la trompette et au ténor. Même si, bien sûr, ce n’est pas si simple. Le Grateful Dead avait la réputation d’être un jam band, pouvant faire durer ses concerts sur plusieurs heures et certains morceaux sur plusieurs dizaines de minutes. Sans atteindre ses timing démesurés, le sextet va s’en donner à cœur joie. Après un « China Cat Sunflower » impétueux, ils s’engouffrent dans l’acmé du set, « Blues For Allah » (écrit au moment de la guerre Iran-Irak nous rappelle Lionel). Verre à pied et bouteille en plastique dans les mains de Stéphane Belmondo servent de percussions, les impros se succèdent, le Farfisa (en fait un Panther 2250) geint. Ils transforment le psyché west coast en un free jazz survitaminé, n’oubliant pas la petite citation de « Love Supreme » avant de repartir de plus belle dans des volutes de flûte traversière. Heureusement, le thème suivant « Stella Blue » vient apaiser les esprits et redonner un peu de souffle aux musiciens. Thomas Bramerie en profite pour nous offrir un solo de contrebasse tout en élégance boisée. « Bird Song » qui suit donne l’opportunité à Laurent Fickelson de nous régaler de belles envolées sur le Steinway qui semblait s’ennuyer un peu. Et nous permet d’apprécier les passages à l’unisson des deux frères. Ultime morceau (mais on en le sait pas encore) un des méga tubes du Dead, « Dark Star », Lionel embouche le soprano pour quelques mesures puis se dirige vers la coulisse avec Stéphane. Ils reviennent accompagnés du lauréat du templin Max Atger pour un final fort en émotion. Départ un peu brusque du groupe mais un public enchanté bien qu’un peu abasourdi.
Jacques Lerognon