Le 20/07/2024 dans le Carrières du Bon Temps – Junas (30).
Deux artistes féminines au programme, pour clôturer cette 31e édition de Jazz à Junas, la coréenne Youn Sun Nah et la saxophoniste allemande Nora Kamm.
Accompagnée de ses deux claviéristes Tony Paeleman et Éric Legnini, la chanteuse prend place entre les deux pianos et entame sa version de « Feeling Good », un hymne musical de la défense des droits civiques aux États-Unis, popularisé par Nina Simone. On se sent idéalement bien pour le fameux « Libertango » d’Astor Piazzolla qui suit. Youn Sun Nah vit littéralement ses morceaux avec force et émotion, on le remarque encore plus quand elle raconte les étranges champignons du lapin blanc dans la chanson de Grace Slick et du Jefferson Airplane. Il ne s’agit pas pour la chanteuse de simplement faire une reprise, elle s’approprie la chanson, la fait sienne à l’aide de ses deux musiciens qui échangent leurs places, leurs claviers, du piano au Rhodes, piano bastringue et piano à queue dans une étrange danse chaloupée. De « Sometimes I Feel (Like A Motherless Child) » à « La foule » de Edith Piaf la tension monte, monte. Mais c’est avec la revisitation de la composition de Albeniz « Asturias » que le set du trio prend toute sa dimension émotionnelle. Youn Sun Nah chante, psalmodie, scatte avec une intensité rare allant jusqu’à improviser une montée orgasmique qu’elle interrompt brutalement pour dialoguer avec les cigales qui n’attendaient que cela. Éric Legnini et Tony Paeleman enrobent la voix, la propulsent, l’ornementent. Ils tissent une trame sur la quelle la chanteuse peut totalement se laisser aller à ses envies. Ils se permettent aussi quelques duos bien enlevés, comme des virgules dans ce tour de chant. Au rappel, les fans l’attendaient, « Jockey Full of Bourbon », petit délice final où elle imite le timbre de Tom Waits en se pinçant le nez avant de prendre une voix gutturale pour finir en falsetto. Les lumières se rallument.
Puis s’éteignent pour accueillir le groupe de la saxophoniste Nora Kamm. Elle est fort bien entourée par Eli Frot aux claviers, Andy Berald aux baguettes, Fabe Beaurel Bambi aux percussions, Diambar au chant et surtout l’excellent Alexandre Bamba à la basse. Le sextet nous présente l’album « One » sorti en 2023. Une musique où se mêlent rythmes et harmonies africaines avec ceux d’un jazz plus européen. Le groove de la rythmique, duos batterie-percus impulsés par la basse, permet à Nora Kamm de poser les notes caressantes de son alto ou de son soprano, soutenues par la très belle voix chaude de la choriste. Un afro-jazz qui incite vite les spectateurs à se lever et même certains à venir danser le long de la scène. Les carrières sont pleines d’un public enthousiaste: quelle belle façon de remercier les organisateurs et toute l’équipe de bénévoles (plus de cent) et de les encourager à nous préparer une 32e édition toute aussi passionnante.
Jacques Lerognon