GANG JAH MIND, le 29/02 au Bucéphale – Draguignan (83)

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Bucéphale est une salle de concert inaugurée en 2012 implantée dans une des rues principales de Draguignan. Elle a été aménagée dans un ancien relais des Postes, ce qui ajouté à des murs en pierre, des poutres massives et des couleurs chaudes, qui lui donne un cachet authentique et une chaleur palpable dès qu’on y pénètre. Cette salle propose un vrai bar, une salle qui peut accueillir 450 personnes et un environnement technique tout à fait correct avec Rudy Debruyne, un véritable technicien son mais aussi un technicien lumière. On note aussi un petit théâtre avec des sièges fixes en gradins qui sert de loges et d’espace détente aux musiciens.

A leur arrivée, les musiciens sont pris en charge de manière très professionnelle et chaleureuse autour d’un verre, l’accueil et la présentation des lieus est assurée par Alexis, le tenancier et ses amazones Dotty et Bernadette, tandis que Rudy, qui est aussi technicien son de Gang Jah Mind, travaille à l’installation du matériel sur scène.

Gang Jah Mind est un des groupes les plus expérimentés de la scène reggae Marseillaise car depuis 1993 et leur formation, ils ont vu passer beaucoup des musiciens reggae qui constituent aujourd’hui le vivier Marseillais. Certains sont devenus professionnels mais n’ont pas oublié leurs racines et soutiennent toujours le Gang, comme Claude et Seb, qui y jouent encore le plus souvent possible. Le groupe est formé à l’origine de Jacques Cuvillier (batterie), Cyril Martin (basse) et Sébastien Kassapian (guitare) tous originaires du 13ème arrondissement de Marseille. Ils se fréquentent depuis l’enfance et ont tous gardé leur passion de la musique même si Jacques a été victime d’un grave problème de santé qui l’a écarté du groupe. Très rapidement rejoins par Fouziha et Sophia, les Sistas Benalleg, ainsi que 2 amies Khaddra et Alizia qui assurent les voix.

Dès le premier concert en 1993 (j’y étais !) et malgré les maladresses musicales des débuts, le son et le ton original du Gang Jah Mind était déjà là tout comme une identité unique. Elle prend la forme de voix orientales qui détonnent, d’un féminisme qui s’affiche dès que le groupe apparaît sur scène, de texte très revendicatifs et intensément pacifistes et émancipateurs, le tout accompagné d’une rude gentillesse que le groupe tient de ses origines populaires. Après vents et marrées et plus de 20 ans de répétitions et de concerts, de musiciens parfois capricieux et peu mobilisés puis évincés, de formules revues et corrigées, le groupe s’est présenté à Draguignan avec la formation idéale : Cyril Martin, le pilier, à la basse, le très motivé Franck à la batterie, Jérôme Jauffret aux claviers. Cependant, le groupe a retrouvé le concours de valeurs sûres plus professionnelles dans leurs parcours, auparavant membres du Gang. Fouziha et Sophia ont été rejointes au chant par Sabrina Dalessio, une chanteuse professionnelle qui maitrise la technique vocale, les toujours souriants Seb Kassapian à la guitare et Claude Fages (The Handcart Band, Young Lords …) armés d’une expérience accumulée autour du monde comme Backing-Band des Mighty Diamonds et de Linval Thompson … Des personnes chaleureuses, professionnelles et précises musicalement parlant. Ce pouvoir d’attraction prouve la force du concept, la pertinence de la forme artistique et l’identité forte et originale de Gang Jah Mind tout comme la gentillesse de l’ensemble des membres du groupe.

Leur musique mixe le son du roots reggae avec une identité orientale aussi visuelle que musicale. C’est ce qui constitue un écrin de choix quand on entend promouvoir l’émancipation des consciences, la coexistence pacifique et un lien spirituel fort avec le public. Les voix des filles donnent le frisson et émeuvent toujours autant le public. Avant même qu’elles ne commencent à chanter, on sent ce que le groupe revendique et en quoi il détonne dans un monde qui banalise violence, xénophobie, repli sur soi et sexisme. Au fil du concert, le public dont certains découvraient le groupe sur scène (dont Chacha le guitariste de Jah Legacy qui a passé le concert les bras en l’air devant la scène !) a été aspiré par la chaleur qu’il dégage et sa couleur musicale unique. Le répertoire nous fait (me fait) voyager dans l’histoire du groupe mais aussi dans ses mutations et les étapes de son expérience musicale. De Victims à Youssef, du Roots Raï Reggae à Medeyedek puis les nouvelles compos, L’armée et Kif Oum qui marquent une réelle évolution dans les arrangements notamment au niveau des voix, la puissance des textes et la conviction qu’ils dégagent.

Alors que bien des groupes reggae errent dans le simplisme manichéen et en deviennent presque risibles, avec le Gang on est à mille lieux de ça. Nous sentons que tout s’unit pour soutenir et porter le message : l’identité féminine et magrébine du groupe, la chaleur humaine des quartiers populaires de Marseille, la gentillesse des phocéens et le mode de vie simple et très ouvert.

Le Bucéphale a fourni un plateau technique parfait, un son de façade convaincant, un public hyper motivé et un accueil ***. Alexis un peu pointilleux en début de soirée, s’est vraiment détendu ensuite et toute l’équipe au bar, en salle, en sécurité et à la console a été aussi efficace que sympathique.

Je pense que tout le monde a passé une bonne soirée, d’un rapport qualité/prix qui pourrait faire définitivement fermer les Zenith Omega, Nikaiai et consorts. C’est aussi cela qu’il faut retenir, l’importance de ce maillage de salles tenues par des passionnés, de ce public qui n’a pas peur de venir voir un groupe qui ne passe pas à la télé ni de parler à son voisin de spectacle car ce sont ces gens qui font vivre la musique par ce qu’elle a d’essentiel. Des groupes passionnés qui font vivre la scène et la création musicale en essuyant toutes les difficultés conjoncturelles des musiciens professionnels avec en plus les douloureuses incertitudes liées à des pratiques amateurs. Tous ces professionnels de l’underground mettent à notre disposition cette musique qui nous aide à vivre et nous fait vibrer. Si on y réfléchit bien pour nous, public, c’est une époque dorée, on a accès à beaucoup de contenus magnifiques sans rien payer, la moindre des choses pour poser notre pierre à l’édifice musical c’est de fréquenter les lieux comme le Bucéphale et aller voir en live les groupes comme Gang Jah Mind ! … longue vie à eux !

 

Emmanuel Truchet

 

Crédit photo :Pirlouiiiit

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