Le 23/10/2025 au Théâtre Alexandre III – Cannes (06).
Alors que les médias d’actualité sont obsédés par l’Amérique suprémaciste de Trump. On en serait presque à oublier la diversité qui structure ce qu’est cet immense pays tout comme ses véritables élites, à mille lieux des politiciens populistes ou des transhumanistes milliardaires de la Silicon Valley. Kahil El’Zabar en est un des plus dignes représentants, cet artiste érudit, musicien expérimenté et globe-trotter ouvert d’esprit a fondé l’Ethnic Heritage Ensemble en 1973 à Chicago. Ce groupe s’est fondé sur l’idée de construire une œuvre musicale à partir de tout ce qui fait l’histoire chaotique et migratoire de ce pays constamment renouvelé comme une famille nombreuse sans cesse recomposée.
Ce talentueux percussionniste, batteur et chanteur s’est entouré de voyageurs invétérés, c’est un quatuor bigarré qui s’est présenté sur la scène du théâtre Alexandre III à Cannes, une charmante salle de spectacle que je ne connaissais pas. C’est à Benjamin Brégeaut, responsable du Pôle Production du Spectacle Vivant à la ville de Cannes, que l’on doit cette programmation surprenante. C’est un ancien membre de la rédaction de Nouvelle Vague, comme quoi la culture musicale peut toujours servir pour avoir de brillantes idées. Autour de Khalil qui ne semble pas avoir d’âge (son groupe a 52 ans !), Ismael Ali violoncelliste, Corey Wilkes trompettiste et Alex Harding saxophoniste, ce dernier armé d’un impressionnant baryton, forment le groupe.
Leur musique évoque parfois le free, le latin et l’afro jazz le tout habité d’une âme qui rattache cet ensemble à la black music américaine dans toute sa diversité sans oublier des notes orientales. Le programme est chargé mais en réalité tout s’enchaîne avec finesse et virtuosité, un plan de vol qui se déroule sous nos yeux sans avoir en apparence de setlist établie. C’est l’explosion des sens et la surprise qui dominent un set qui part où il veut, baladant un public conquis dès les premières mesures, par tant de talent et d’inspiration concentrés en si peu d’espace. Certains morceaux donnaient même envie de danser et j’ai passé la fin de concert debout à bouger mes fesses tout en assumant d’être le seul dans cette posture logique mais visiblement anormale au milieu d’un public jazz quand même relativement figé et âgé.
J’avais déjà vu ce groupe avec Neneh Cherry il y a une quinzaine d’années à Châteauvallon, c’est un des concerts qui m’a le plus marqué, sans la chanteuse qui s’était pour l’occasion, aventurée dans un vocable free jazz, l’ambiance est un peu différente mais l’esprit reste le même, une fusion parfaite de tout ce qui est bon aux USA. Laissons la politique télévisée à sa vulgarité, l’Ethnic Heritage Ensemble nous a emmené ailleurs, non pas loin des réalités américaines mais en leur cœur même, celles qui ont forgé ce pays plein de contradictions, ils ont réussi à le rendre beau. Bravo à eux.






Emmanuel Truchet
📸 Ethnic Heritage Ensemble par Jacques Lerognon.
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