BIG REGGAE FESTIVAL

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Le 12/07/18 au Théâtre de la Mer – Golfe Juan Vallauris (06).

#NVmagLiveReport

Comme chaque année, le Big Reggae Festival a déplacé les foules mais a lui-même été déplacé de la Pinède de Juans les Pins au Théâtre de la Mer à Golfe Juan car Lenny Kravitz occupait l’espace calendaire dédié chaque année au concert Reggae. J’ai toujours trouvé déplacé d’organiser un concert reggae sur le site du Jazz à Juan car on a sans cesse l’impression de profiter d’un système qu’on vient par ailleurs critiquer et qu’on cherche à faire tomber le plus rapidement possible, avec une énergie et une impatience, il est vrai très variable d’un individu à l’autre, c’est cependant mon cas donc je ne dois pas être un cas isolé. En fait, on a gagné au change et le Théâtre de la Mer que je ne connaissais pas est moins vert mais plus intimiste. Certes l’afflux insensé de forces de l’ordre (comme on les dénomme) donnait parfois l’impression de passer un check point à Ramallah mais je pense que cela est dû au traumatisme du 15 août à Nice car au-delà de ma paranoïa, les pandores sont restés discrets et ne se sont pas fait remarquer par le moindre excès de zèle. Le public est venu nombreux et progressivement, le show pouvait commencer.

Le concert a débuté par le fils de Peter Tosh, Andrew Tosh, qui a pour talent unique de posséder le même timbre de voix que son père. Il a donc enchaîné les magnifiques titres de son géniteur. Le groupe qui l’accompagnait était juste moyen car avec un tel répertoire il y avait moyen de sonner bien plus ample mais voilà, Andrew Tosh, qui a la réputation d’être capricieux et inconstant, n’a ni le cœur ni l’engagement de son père. Un concert correct pour un début de soirée mais on sent très bien que le concept est éculé et arrive en bout de développement sans qu’on puisse espérer d’avancée dans quel domaine artistique que ce soit. Je déteste, le mot est pesé cette tendance du public reggae à fantasmer sur des vestiges historiques en leur temps subversifs mais que cette hagiographie (c’est le fait de réécrire l’histoire des Saints et des miracles qu’ils ont accomplis après leur mort) maniaco-dépressive très française et propre à la musique rend conformistes au final. Que penserait on d’un peintre qui ouvrirait son expo par quelques reproductions des tableaux de son père ? Il faut quand même que je me calme car je vais aussi assister le même soir au concert du fils Marley ! L’excellente surprise de la soirée a été le concert de Naâman, qui a le mérite d’avoir un père plombier, mécanicien, sociologue ou cuisinier mais pas chanteur de reggae ! Lui que j’ai vu à ses débuts sur l’immense scène du Garance Reggae Festival me semblait être un produit Made in France propulsé dans le grand bain presque malgré lui, comme vêtu d’un costume trop grand. Force est de reconnaître que si Naaman a profité au départ des circonstances et de son côté chanteur reggae français consensuel et bankable, il a été totalement digne des espoirs commerciaux placés par d’autres en lui, ce, par un travail acharné et constant et le résultat est là : un excellent concert ! Beaucoup d’énergie et de conviction, un bon band très souriant, un show arrangé et travaillé avec professionnalisme et il faut le reconnaître, un style personnel, que Naaman s’est enfin pleinement approprié. A noter la présence sur scène de son comparse de toujours, Fatbabs aux machines avec ordi et platines sur scène : un plus appréciable qui donne tonus et originalité à l’ensemble, seul manquait une touche féminine et j’aurais aimé entendre des filles au lead ou au moins aux chœurs et peut être plus de textes en français car quand Naaman s’y aventure, sa musique devient plus rêveuse et onirique, donc plus profonde. Après un début de carrière passé à singer un flow jamaïcain qu’il est à mon sens vain de tenter d’approcher, Naaman a commencé à me convaincre artistiquement depuis Beyond, son dernier album, très groovy tout en sachant être poétique et évocateur. Là, il a passé, pour moi l’épreuve du feu : le live réussi ! J’aime voir grandir et évoluer tous les êtres humains, bons ou mauvais qui croisent ma route, j’en ai même fait un métier, et voir Naaman gravir les marches de sa construction personnelle et artistique m’a vraiment apporté du bonheur pendant son heure et demie d’un concert plein de positivité et de bons et beaux sentiments.

Après un très long changement de plateau j’allais enfin découvrir Damian Marley sur scène. Le spécialiste du gros son studio, son mix de vibe dance hall et d’énergie Hip Hop va-t-il écraser le théâtre et ceux qui s’y trouvent de ses beats ravageurs ? Cela a été en grande partie le cas car la machine à tubes s’est mise en route de suite. Accompagné d’un band et de sons enregistrés commandés du clavier, son style perso entre rub a dub et reggae new roots a soulevé la foule. Comme je m’y attendais d’un spécialiste des studios et des featurings avec des rappers, son niveau vocal n’a rien d’extraordinaire surtout sur les parties chantées mais l’ensemble fonctionne aussi, il faut le comprendre, grâce à un public conquis d’avance. J’aurais bien aimé trouver, comme chez Naaman du mix en live avec un musicien aux machines mais Mr Marley s’est contenté d’un band mais très et trop classique. Sa force reste la composition de titres rythmés et super énergiques mais cela a fonctionné une fois les sons sortis du studio pour prendre de l’ampleur sur scène. En cours de concert, le moment tant redouté des reprises de Bob est venu et Damian s’en est très bien sorti mais pas magistralement non plus et il faut accepter que les fils Marley ne soient pas les meilleurs au jeu des reprises de leur père. Mon repère étant Could You Be Love, un morceau qui peut électriser les foules si on le pulse à la perfection ou si on le mâtine d’un peu de force africaine ou de finesse brésilienne par exemple : Damian l’a fait mais sans conviction débordante. Honnêtement, on aurait pu s’en passer et- j’aurais personnellement préféré entendre certains de ses morceaux personnels. J’en viens à la plus grosse lacune de l’artiste sur scène : son manque presque total d’empathie ou d’interaction avec son public : Damian Marley est une personne assez froide sur scène et si son gros son prend le relais d’une humanité qui semble lui faire défaut, on peut tout de même se dire que l’un n’empêche pas l’autre. Cependant difficile de bouder son plaisir à la fin du concert car le public s’est régalé et à vraiment répondu présent tout au long de la soirée. En conclusion, on peut dire qu’on a assisté à une très bonne soirée de musique dans un cadre

tout à fait convenable même si le goudron et le port de plaisance de Golfe Juan n’aura jamais, pour un concert de reggae l’aura d’une verte prairie, de l’air frais de la montagne et des arbres centenaires qu’on peut rencontrer sur d’autres festivals. Qu’importe la bande de Charp-Agency, ex le Cri de la Marmotte qui a changé de nom n’a perdu ni son savoir faire ni sa crédibilité professionnelle qui nous permettent chaque année, au cœur de l’été, d’entendre du grand reggae live sans traverser la France ou l’Europe pour s’y rendre, merci à eux !

Emmanuel Truchet

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