#NVmagAlbumDeLegende
(Bearsville)
Sorti le 02/03/1973
Pourquoi donc ce disque apparaît il toujours dans les classements des 100 meilleurs albums de tous les temps, aux côtés de Nick Drake et Robert Wyatt ? Venu du garage psyché avec son premier groupe, Nazz, Rundgren s’affiche vite comme un prodige de la guitare et du studio et est très vite reconnu par ses pairs : son troisième album est fait quasiment seul et lui offre une réputation d’auteur/compositeur/chanteur/multi instrumentiste/producteur de génie qui ne se démentira plus. Ce « Something / Anything » de 1972 était déjà parfait et kaléidoscopique ? « Wizard » ira encore plus loin dans chaque genre : une suite ininterrompue en face A, un long medley soul en face B, des faces très longues, et surtout un hommage appuyé à toutes ses influences. Amoureux de la musique noire, il invente quasiment la blue eyed soul, un poil plus léchée et distanciée que l’originale qui lorgnait déjà vers la pop (Hall & Oates et beaucoup d’autres s’en souviendront). Fou de hard, il va déchaîner ses solos et ses vocaux hurlés en tous sens (“Is It My Name ? “).
Dandy, il adore les textes décalés, surréalistes (“Dada Dali” of course) et raffole des morceaux miniatures acidulés ou bien étirés et psychédéliques. Fan des Beatles, il va peaufiner des mélodies et harmonies à tomber par terre.Il s’accompagne aussi au piano sur les ballades (“I Don’t Want To Tie You Down”).Rajoutez un zeste d’invités (solo incandescent de Michael Brecker sur “Zen Archer”, poème de Patti Smith sur un insert sparadrap…), collages et trafics de studio, divers bruitages et agitez le tout. Un hybride total, protéiforme en plein dans son époque, et aussi un pas de côté. La trop grande richesse de l’objet peut repousser, tel un festin offert à quelqu’un sortant du désert. Après cela, il va former un groupe prog (“Wait Another Year, Utopia Is Here” annonce t’il en fin de face 1), à trois claviers, continuer dans sa veine soliste, s’intéresser à la vidéo et à l’interactivité. Il influencera des personnalités comme Prince, et tous les musiciens ou mélomanes curieux qui gardent à tout jamais une place dans leur cœur pour ce doux dingue.
Jean-Jacques Massé