(Sortie le 14/03/1995)
Le temps semble s’être figé depuis 28 années. Et pourtant, il y a toujours ce flux ininterrompu qui irrigue ce qui n’est plus, la vie. Nous sommes un peu tous orphelins de quelqu’un, d’un héros, d’un frère, d’un amour. Mad Season est le projet transfuge initié fin 1994 par le guitariste de Pearl Jam (Mike McCready) et John Philip Saunders (The Walkabouts), après une cure de désintoxication à Minneapolis. De cette rédemption, le duo propose à Layne Staley de monter un groupe, à titre thérapeutique, afin de faire dévier le chanteur d’Alice In Chains de ses addictions. Mark Lanegan et Barrett Martin (ex batteur de Skin Yard et des Screaming Trees) complètent le groupe, qui commence à jouer au Crocodile Café de Seattle, le lieu tenu par la femme de Peter Buck, guitariste de REM.
“Above” n’est pas exactement un disque grunge, c’est une œuvre qui ouvre une parenthèse hors du temps, une mélancolie salvatrice incarnée dans une sorte de blues distillé. Loin de la pression extérieure des maisons de disques, Layne y verse ses mots avec un affect douloureux et aborde avec gravité sa propre toxicomanie. “Wake Up” en est l’incarnation, un constat. L’album est la complainte des âmes écorchées qui se raccrochent à la vie. Il n’y a pas de pathos pathétique, mais une fluidité du désespoir qui s’abstient de faire une quelconque comparaison. Le groupe se produit sur scène lors du mythique Live At The Moore en août 1995 à Seattle. Les circonstances tragiques mènent brusquement à l’arrêt du projet (John Saunders décède en effet d’une overdose). McReady est profondément affecté par la mort de son ami. Lanegan rejoint ses comparses de Screaming Trees, alors que la santé déjà précaire de Layne Staley se détériore, lui laissant un court répit pour enregistrer deux titres avec Alice In Chains. Mad Season devait se prolonger avec un deuxième album, mais le destin en a décidé autrement le 05 avril 2002, avec la mort de Layne, encore d’une overdose. Jamais solitude et souffrance ne furent aussi hantées, pour encore aujourd’hui atteindre notre intimité.
Franck Irle