TRANSFUGES

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C’est au cœur de Marseille, dans les bureaux de Transfuges que nous rencontrons Romuald Sintes, 28 ans et déjà président d’une structure de développement d’artistes et de productions audiovisuelles. Alpes et Andromakers, nous ont réunis dans cette même pièce. Le public de la région PACA adore la musique de ces jeunes groupes, lui, il la produit. Avec Romuald nous jetons un regard de l’autre côté de la scène tandis qu’il nous donne un point de vue analytique sur la production musicale en région PACA.

 

Romuald, tu as créé Transfuges l’an dernier, qu’est-ce que c’est ?

Transfuges c’est la fusion de plusieurs structures aux différentes compétences : « Pas Du Matin Production », « la 26ème image » et « Le Binôme ».Nous sommes quatre associés aujourd’hui : Sandrine, Jimmy, Bruno et moi sous une seule structure. Le sous-titre c’est : Maison d’Artistes & Fabrique d’images, c’est à la fois une structure de développement d’artistes musicaux, une agence de communication et une structure de production audiovisuelle. Même si nous avons réfléchi au début à se baser sur Paris, nous avons monté nos bureaux sur Marseille, en plein centre. On se rend compte aujourd’hui que c’est la meilleure idée qu’on ait eu ! Cette ville a une dynamique folle, et en même temps il reste de la place pour des structures comme la nôtre.

 

Comment as-tu été amené à travailler avec Alpes et Andromakers ? Et en général comment fais-tu pour trouver des artistes ?

Nous avons commencé à travailler avec les deux groupes à peu près au même moment, à la toute fin 2012, soit juste avant que Transfuges se crée. Je connaissais les musiciens de Alpes de quand je travaillais encore à AixQui ?, structure qui organise le tremplin Class’Eurock. De ce tremplin est sorti ce groupe qui s’appelait à l’époque Little d Big B et nous avons commencé à travailler sur leur développement…
Pour Andromakers, c’est Sylvain Gazaignes, Directeur Artistique chez BMG à Paris avec qui j’étais sur un autre projet qui m’a fait rencontrer le groupe. Après avoir vu les filles sur Aix en Provence, nous avons discuté un petit peu et nous avons commencé à collaborer.
Avec Transfuges, nous sommes toujours en veille sur les nouveaux artistes émergents. C’est-à-dire qu’on lit beaucoup la presse musicale, les blogs indé, les reports de concerts, nous allons dans tous les salons nationaux. Nous regradons aussi beaucoup ce qui se passe autour de nous, nous discutons avec beaucoup de musiciens. D’ailleurs, je n’ai pas beaucoup de weekend à moi, je suis toujours fourré en concert à droite et à gauche, c’est nécessaire pour pouvoir suivre !

 

Alpes et Andromakers sont tous de la Région Paca, c’est un hasard que tu ne travailles qu’avec des groupes de la région?

Ce n’est pas un hasard, d’abord il y a beaucoup d’artistes intéressants en région PACA et c’est eux que j’écoute en premier, c’est aussi plus simple pour nous d’être à proximité quand on travaille ensemble par la suite. Chaque région à sa spécificité de structuration, et nous commençons à maîtriser celle de notre région. Par contre, ça ne nous empêche pas de faire une veille nationale, voire européenne sur les artistes qui correspondraient à la couleur musicale et à l’esthétique qu’on veut défendre.

 

Comment fais-tu pour développer des artistes émergents ?

Nous ne sommes pas juste une structure de management ou juste un booker ou un label. En fait, nous abordons toutes les facettes à 360°. La base, c’est le management, c’est-à-dire la gestion de la carrière d’un groupe, nous nous posons la question des stratégies à adopter pour que le groupe se développe. Nous sommes aussi sur le booking, car la meilleure manière de développer un groupe dans un premier temps, c’est de le faire jouer. Au départ, les groupes n’ont pas forcément de tourneur, ou bien les propositions qui leur sont faites ne sont pas intéressantes. Nous sommes aussi en train de se développer en tant qu’éditeur, pour pouvoir aider les artistes à diffuser leurs œuvres par tous les moyens possibles mais aussi de les défendre plus facilement face à des grosses machines qui pourraient, une fois un contrat signé « capturer » leurs droits et ne rien en faire. Nous avons déjà fait également de la production phonographique, pour l’instant ni avec Alpes, ni Andromakers, mais nous ne nous interdisons pas de le faire avec eux ou d’autres dans un avenir proche si, ensemble, nous jugeons cela pertinent.

 

Travailles-tu avec d’autres structures ?

Je fais partie de ceux qui pensent que plus nous sommes nombreux sur un projet, plus ce dernier a des chances de se développer. Beaucoup de structures se battent pour au contraire conserver, pour ne pas dire capturer, l’ensemble des droits sur des artistes sur tous les postes. Avec Alpes, nous travaillons avec 4 autres structures aujourd’hui et 3 pour Andromakers !

 

Pour toi, des exemples de groupes s’étant bien développés ?

Avec une industrie aussi spécifique que la musique et les mutations qu’elle vit aujourd’hui, il n’y a pas de « modèle à suivre », tout est encore à inventer. Je pense que le meilleur exemple en région PACA d’un groupe qui a su se développer, c’est Chinese Man, tout en sachant que leur particularité vient du fait qu’ils ont d’abord créé leur propre label « Chinese Man Records ». Au départ leur objectif n’était pas de créer un groupe de musique mais un label musical et comme ils étaient tous musiciens, ils ont commencé à s’autoproduire. On connait leur succès et aujourd’hui ils signent des artistes comme Deluxe avec le développement fulgurant qu’on leur connaît. Ce qui est super intéressant, c’est qu’on voit qu’une structure peut se créer, avoir du succès et rester en région PACA sans être absorbée par des Majors à Paris.
On pourrait aussi parler d’autres structures qui sont complètement indépendantes, comme la coopérative Interne Externe qui a su développer plein d’artistes de la région tels que Nevchehirlian ou Nicolas Kant, et d’autres tout en restant à Marseille, c’est très encourageant !

 

Du coup tu dirais que la région PACA est propice à la production et au développement d’artistes ?

Déjà, nous sommes l’une des régions de France les plus peuplées, donc forcément il y a beaucoup de monde, donc beaucoup d’artistes. En plus nous sommes dans un territoire où il y a plein de salles de concerts, de festivals ce qui fait encore plus d’endroits où jouer et où voir des artistes. Avec des villes comme Marseille ou Nice, où on trouve des nids de groupes, on le voit à Marseille avec les Nasser, Kid Francescoli, à Aix avec Deluxe, Chinese Man, ou encore à Nice avec Griefjoy, Hyphen Hyhphen et maintenant Alpes. Une vraie dynamique se crée dans ces villes où les petits groupes croisent de plus gros, ce qui leur donne envie de devenir aussi plus gros à leur tour, etc. Cette motivation fait que beaucoup d’artistes émergent et ça, c’est super motivant pour eux aussi.

 

Il y’a beaucoup de structures de productions et de diffusions, est-ce que vous vous rencontrez ?

Nous nous rencontrons beaucoup entre structures oui, il existe plusieurs moments officieux qui le permettent, notamment autour des concerts. Ce qui est étrange par contre c’est que l’on se rencontre plus « hors région » sur des salons comme Le Printemps de Bourges, les Transmusicales, ou bien le MaMA. Après il y a des réseaux d’acteurs comme Phonopaca pour le disque, Trêma pour la diffusion, qui permettent à plusieurs structures de se réunir et de travailler ensemble. Les institutions régionales œuvrent aussi beaucoup pour que l’on se rencontre sur des réunions de travail communes.

 

Qu’est-ce qu’il manque selon toi ?

Je pense déjà qu’il manque un grand évènement professionnel dédié aux musiques actuelles en Région. Il y a bien le Babel Med (Marseille), mais c’est très axé world music et le Midem (Cannes) vieillit et intéresse plus les majors et les structures étrangères que les locaux.
Et puis, beaucoup de choses sont faites pour faire tourner les artistes, les faire connaître au sein de cette même région, mais rien n’est fait pour les aider à se développer hors région et ça c’est un gros problème. Aujourd’hui si je prends les exemples d’Alpes ou d’Andromakers, nous n’avons pas de mal à les faire tourner en région. En général tous les acteurs jouent le jeu et mettent des artistes indépendants régionaux en première partie ou bien en tête d’affiche, mais par contre, il n’y pas de réseau qui nous permette, nous, aujourd’hui, d’envoyer les artistes ne serait-ce que dans des régions limitrophes comme en Rhône Alpes ou en Languedoc Roussillon.
Les modes de financements publics y sont pour beaucoup je pense, les lieux de diffusions de toutes les régions de France ont des financements à condition qu’ils programment des artistes locaux. C’est bénéfique pour les artistes au début de leur développement, mais ça leur ferme ensuite les portes d’autres régions lorsqu’ils souhaitent s’exporter plus loin… Dans cet entre-deux, les groupes sont comme « enfermés » en région.
Alors nous, quand nous commençons à développer des groupes et qu’ils deviennent « nationaux », qu’il faut franchir le pas de sortir de la région, nous devons nous débrouiller tout seuls et c’est là que c’est dur.

 

Justement, en Région, aurais-tu un concert qui t’as plus marqué que les autres ?

Début juin, j’étais avec Alpes sur le Festival Yeah! à Lourmarin (84). C’était fantastique. Tout le village est mobilisé sur 2 jours… L’ambiance est ultra détendue et en même temps la programmation est super intéressante. C’était simplement la 2ème édition cette année, mais je suis sûr que c’est un festival qui va prendre beaucoup de place dans le paysage pour les années à venir, en tout cas ils méritent !

 

Un petit mot sur les projets à venir dans la maison d’artistes ?

Nous préparons les prochaines productions des artistes, qui sortiront à l’hiver 2014/2015, et puis en ce moment on réfléchit à signer avec un autre groupe, on commence à avoir quelques pistes…

 

Transfuges, c’est aussi une boîte de communication, pourquoi ce choix ?

Une boite de communication et aussi une structure de production audiovisuelle.
Nous ne sommees pas une association et c’est un choix, nous n’avons aucune subvention qui nous aide au niveau du fonctionnement. Ce qui fait que nous avons dû trouver un modèle économique différent de la plupart des structures de productions, car aujourd’hui ce n’est pas les groupes qu’on développe qui peuvent nous permettre de faire vivre la structure au niveau financier. Ce qu’il nous fallait, c’était une activité parallèle. Du coup nous avons développé tout un axe sur les compétences des associés, c’est ce que nous avons appelé la Fabrique d’Images. Même si en pratique c’est très différent du travail de développement de groupes de musique ça nous sert énormément pour nos artistes !
L’un des premiers rôles d’une structure de production c’est de justement s’occuper de ce que j’appelle le « para-artistique », l’ensemble des visuels et de la mise en image des artistes.
C’est ce qui nous permet aujourd’hui d’avoir toutes les compétences pour faire des vidéos live d’Andromakers, de faire des clips pour Alpes, ce qui nous a permis de travailler avec d’autres artistes comme Nevchehirlian. Nous avons également pu faire des captations live de General Elektriks, de Deluxe, de Gush. En fait, ça nous donne l’occasion de pouvoir faire autre chose tout en ayant une activité rentable qui nous permette aussi de dégager de la marge que l’on réinvestit dans les groupes que l’on développe, c’est très efficace pour l’instant.

 

Alix Couvelaire

www.transfuges.com

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