Auteure, compositrice, militante féministe, et chanteuse, Suzane devient la nouvelle sensation de la scène musicale française. Son premier album « Toï Toï », la sortie de son clip « Clit Is Good » et sa tournée 2022, quelques thèmes parmi d’autres dont on a eu l’occasion d’en discuter avec la chanteuse de pop française lors de son entretien.
Vous avez récemment réalisé une tournée, y a-t-il eu un lieu ou un spectacle qui vous a plus marqué ?
La tournée entière m’a vraiment marquée, car ça été compliqué de pouvoir monter sur scène. Généralement, je suis très heureuse de pouvoir faire quand même une tournée. Le spectacle qui m’a marqué peut-être plus particulièrement était le Trianon, car il a été décalé plusieurs fois et j’ai quand même réussi à enfin le faire. C’était un moment vraiment inoubliable avec le public.
Comment est né votre premier album « Toï Toï » ?
« Toï Toï » est sorti en 2020, il a donc déjà fait un petit peu sa vie. D’ailleurs, il est disque d’or aujourd’hui, donc je suis très heureuse de voir qu’il en est arrivé là. Il est né dans une période de ma vie où j’étais serveuse lorsque je suis arrivée à Paris. J’ai toujours eu l’envie d’écrire des chansons, mais je n’ai jamais osé, jusqu’au jour où il est devenu très urgent de le faire. J’ai commencé à écrire ces chansons dans le restaurant où je travaillais. J’observais les gens et j’écrivais en même temps. J’ai eu la chance avec cet album de rencontrer des personnes qui m’ont permis de monter sur scène très vite et de partager avec un public qui a plutôt bien adhérer.
Quelles sont vos influences pour vos chansons ?
Pour « Toï Toï », j’étais dans une influence plutôt « chansons françaises » et je pense que cela restera toujours une sorte de base, d’écrire en français, de choisir les mots en rapport avec l’époque, comme pouvaient le faire Brel, Piaf, Barbara. Je pense je me suis également influencée de la musique électronique, je peux parler de Daft Punk, Justice, des groupes électro-français que j’aime bien écouter. Je me suis aussi inspirée de rappeurs tels que Diam’s, Orelsan, MC Solaar, que j’apprécie beaucoup. A la fin, tout cela a donné « Toï Toï », un album qui est assez précieux, car c’est mon premier. Il a des grandes qualités, mais des défauts aussi et j’espère aller de plus en plus loin, et continuer d’évoluer dans ma musique.
Quelle chanson de l’album est la plus spéciale pour vous ?
Honnêtement, j’ai du mal à choisir entre les chansons, mais il y en a qui sont plus importantes que d’autres, pour moi comme pour ceux qui les écoutent. La chanson « Anouchka » pour moi est importante, car cette personne fait partie de ma vraie vie, et de pouvoir en parler en chanson je trouve que c’est un message d’amour. « P’tit gars » est aussi une chanson que j’adore chanter sur scène et qui est toujours très intense. Elle parle d’un jeune garçon qui fait son « coming out » à sa famille et qui malheureusement subit, comme encore beaucoup de personnes, du rejet. Il y a beaucoup de thèmes en général de l’album qui me tiennent vraiment à cœur, comme le SAV, l’écologie, ou novembre 2015 avec les attentats.
Prévoyez-vous la sortie d’un deuxième album bientôt ?
Oui, je suis en train de le terminer. J’ai commencé à le jouer sur scène d’abord pour mon public. Il est important pour moi de le jouer sur scène, car c’est là que mon histoire a commencé, c’est mon début. J’ai eu la chance de faire beaucoup de scènes en France et ailleurs, et donc de pouvoir présenter les nouvelles chansons en avant-première c’est une très belle opportunité.
Après la sortie de votre clip « Clit is Good », quel a été votre ressenti après la censure de ce dernier sur YouTube ?
Au départ, il s’agit toujours de la frustration les premiers jours. Nous travaillons souvent longtemps sur un clip et celui-ci a été particulièrement long également. Je cherchais réellement la justesse dans la manière de représenter la femme. J’ai beaucoup parlé avec Charlotte Abramow, la réalisatrice du clip. On voulait que ce soit un clip poétique, artistique mais qui raconte un message important en même temps. Dans ce clip, nous avons essayé de représenter la femme avec élégance, parler de son plaisir féminin et de le rendre un peu moins tabou. Nous avons également essayé de faire de la contre-représentation de tout ce qui peut circuler sur le web en termes de représentation de la femme, très souvent objectivée. Je souhaitais dire aux filles que leur plaisir est aussi important et qu’il est souvent nié, le clitoris en soi est complètement nié. Je pense qu’il n’a été schématisé qu’en 2005, ce qui est donc assez tard. Le clip était une manière d’exprimer une liberté, de se réapproprier le corps et la parole, le plaisir ainsi que le rapport des femmes avec elles-mêmes. Pour revenir à cette censure YouTube, ceci a été très frustrant, surtout qu’aujourd’hui les jeunes qui se poseraient des questions sur leur sexualité se retrouvent plus facilement sur YouTube que sur une œuvre comme « Clit Is Good. »
Quelle a été votre inspiration pour le clip ?
Lorsque j’ai écrit la chanson, c’était une manière pour moi de libérer la parole sur ce sujet et je m’en suis rendu compte lors d’une soirée avec mes copines. On s’est retrouvé à essayer de dessiner une vulve et nous n’avions pas réussi à la représenter entièrement. C’est toujours un peu tabou dans la société aujourd’hui de parler du fait que les femmes peuvent éprouver du plaisir. C’était donc important pour moi d’écrire cette chanson, elle m’est venue assez naturellement et c’était également très important de travailler avec Charlotte, qui est très engagée. Je savais qu’elle mettra des belles images sur cette chanson.
Le moment avec vos copines en soirée était celui qui a fait naitre la chanson ?
Non, je ne pense pas que ce soit le moment précis, mais il en fait partie, c’était un des moments où je me suis posée des questions sur ma vie de femme. Je pense que « Clit Is Good » était un moment où je me posais plein de questions comme tout le monde. A l’adolescence forcément on se questionne, et je pense que la seule réponse que les jeunes filles ont à ces questions est souvent du silence. Elles savent que nous ne sommes pas censés en parler, que c’est déplacé, ce n’est pas normal en tout cas qu’une fille puisse exprimer sa sexualité. Il y a eu aussi ce moment avec mes amies, où on a presque toutes la trentaine et on n’arrive pas à vraiment représenter une vulve sans difficultés. Il y a une réelle inégalité car on sait tous dessiner l’organe masculin, mais le clitoris reste assez tabou à représenter, tout comme ça l’est d’en parler. C’est pour cela que j’étais très explicite dans les titres, je me suis dit un nom comme « Clit Is Good », c’est très clair.
Est-ce que vous vous êtes attendu à ces retours/réactions ?
J’étais très heureuse de voir que les gens ont apprécié ce clip, mais en plus de l’aimer, certains l’ont trouvé essentiel. C’était une belle remarque, un très beau compliment. J’ai également eu des professeurs de SVT et d’autres matières qui m’ont envoyé des messages privés, qui ont pu montrer « Clit Is Good » à leurs adolescents. Je trouve cela bien que, contre la censure de YouTube, des professeurs de l’Education nationale me soutiennent et qui montrent finalement ces images. Il s’agit d’un art via les mots, une musique, des plans avec de la lumière, le synopsis bien écrit, bien pensé, avec des actrices de talent. Le public et les médias aussi me soutiennent et je tiens à les remercier. C’est vraiment juste cette censure sur YouTube, mais autrement toutes les personnes ont compris le message et ont soutenu l’idée de libérer ce sujet-là.
Vous avez une autre tournée bientôt, quel est votre moment préféré pendant les tournées ?
Le moment que j’attends le plus est celui lorsque j’ouvre les yeux et que je monte sur scène. Cette montée sur scène est toujours le pic de la peur, il y a des personnes qui me regardent. C’est la première fois où je suis devant le public, je le vois et il me voit. C’est un moment toujours stressant mais en même temps c’est enfin le moment attendu. Cette fois-ci, lorsque je verrai le public, il n’y aura pas de masques. Cela serait une joie absolue de retourner en festival et de voir enfin le visage des gens.
Noureen Farid
Le 24/02/2023 au Quattro – Gap (05).