(Le Mot et le Reste)
Cet ouvrage est conçu comme un thriller. Les premières pages débutent sur le tarmac de l’aéroport de Greenville en Caroline du Nord quelques heures avant le crash de l’avion. A bord de ce Convair 240 qui n’est “pas exactement de première jeunesse”, se trouvent Ronnie Van Zant (chant) , leur road manager Ron Eckerman et son assistant Dean Kilpatrick, l’ingénieur du son Kevin Elson, Billy Powell (piano), Artimus Pyle (batterie) Leon Wilkeson (basse), les trois guitaristes Steve Gaines, Allen Collins et Gary Rossington, la choriste Cassie Gaines, ainsi que l’équipe des roadies et un caméraman. Les deux pilotes Walter Mc Creary et William Gray s’affairent autour de l’un des moteurs qui semblent être défectueux. Un problème mineur que les pilotes ne jugent pas sérieux. “C’est rien de méchant rencéhrit McCreary. On doit juste réparer pour que le moteur tourne mieux. Au pire si un moteur venait à s’éteindre ce qui, n’arrivera pas, on peut toujours voler avec un seul”. La suite, on la connaît. Elle est étoffée à la fin de l’ouvrage. Entre ces deux chapitres autour du crash, on pénètre dans les coulisses de la légende du groupe rock sudiste. Illustré de photos noir et blanc, le texte de Bertrand Bouard relate la genèse et les temps forts de ce gang de musiciens qui s’est hissé au sommet en l’espace d’une dizaine d’année. Ce fût non sans peine. L’ouvrage propose un regard neuf sur la genèse du groupe, les premiers concerts, les enregistrements de cette œuvre limitée finalement à cinq albums fondateurs “Pronounced ‘l?h-‘nérd ‘skin-‘nérd” (1973), “Second Helping” (1974), “Nuthin’ Fancy” (1975) “Gimme Back My Bullets” (1976), “Street Survivors” (1977) et deux immenses single “Free Bird” et “Sweet Home Alabama”. Une œuvre qui aura eu un impact considérable sur la musique et la culture de ces soixante dernières années pour devenir une figure majeure de la culture populaire américaine. Au fil des pages, on remonte aux racines à travers une foule de détails croustillants, d’anecdotes et d’informations en ce début des 60’s. On découvre la personnalité explosive des membres, la figure autoritaire et complexe de leur leader Ronnie Van Zant, son tempérament fougueux, son enfance à Shantytown, un bidonville de Jacksonville. La mère de Ronnie raconte : “Il y avait beaucoup de durs à Shantytown, mais Ronnie était le pire d’entre eux”. Le père, routier, est souvent absent. La mère vendeuse des Donuts élève seule la fratrie. Ado Ronnie est pris de passion pour la boxe, les courses automobile, la pêche à ligne.
Formé originellement en 1964 sous le nom de « My Backyard » avant de devenir « The Noble Five » et plus tard « One Percent », il faut attendre 1970 pour que Lynyrd Skynyrd devienne le nom officiel. L’ouvrage relate les premières répétitions à la Hell House, une cabane en bois avec un toit en ferraille avec Gary Rossington guitare), Allen, Collins (guitare), Bob Burn ( premier batteur) et Ronnie Van Zant (chant) autour de reprises de leurs idoles, les Rolling Stones, les Beatles, les Allman Brothers. On y apprend que le nom du groupe fait référence à leur professeur de gym et surveillant général, un certain Leonard Skinner qui n’arrêtait pas de les harceler au lycée à cause de leurs cheveux longs. Les débuts sont difficiles : “Fin 1972, Lynyrd Skynyrd qui a donné plus de mille concerts, semble condamné à être qu’un groupe de scène”. Mais la rencontre avec le guitariste Ed King puis le producteur Al Kooper va propulser leur carrière grâce une prestation mémorable en première partie des Who à San Francisco (1973). L’ouvrage relate les facéties de Leon Wilkeson dans les hôtels, celles de Artimus Pyle qui se hisse sur le toit d’une voiture lancée à 110 km. On apprend que l’alcool est primordial pour eux afin d’affronter les situations stressantes, comme monter sur scène ( au sommet de leur carrière ils auront un bar portatif sur scène !). L’auteur décortique l’enregistrement des albums, les succès radio notamment “Sweet Home Alabama” et “Free Bird”, édité pour les radios dans une version écourtée de 4,10’. L’auteur documente la genèse des chansons comme “Double Trouble” (Fauteur de troubles !) qui fait référence aux nombreuses arrestations du chanteur, sans oublier d’évoquer le festival de Knebworth en Angleterre (1976) qui les révèlera au reste du monde l . Et bien sûr, on se régale des mille et une anecdotes sur les accidents de voitures, la violence, les bagarres entre les musiciens, les drogues, l’alcool et les trahisons. En 1987, les rescapés du crash de 1977 reformèrent le groupe pour une tournée en hommage aux disparus. Ed King fit son retour et Johnny Van Zant remplaça son frère aîné au chant. La tournée fut un succès (375 000 personnes assistèrent au shows) ce qui incita le groupe à continuer l’aventure. En 2006, le groupe connaîtra la consécration en faisant son entrée au Rock and Roll Hall of Fame. Depuis la disparition de Gary Rossington le 05/03/2023, qui était le seul membre originel après le crash, le groupe a définitivement cessé d’exister. Entre triomphes et tragédies constamment entremêlées, ces deux cent pages se dévorent d’une seule traite.
Jean-Christophe Mary