JONI MITCHELL : Hejira

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Sorti en novembre 1976

S’il est un album fidèle à sa pochette, c’est bien celui ci : une femme artiste, mystérieuse, le blanc de la nature froide et nue, la route sans fin devant soi se fondant dans l’espace intérieur et le titre qui renvoie à la retraite de Mahomet. Tout y est. Chef d’œuvre de la Canadienne, elle y déroule sa vie, ses amours (“A strange boy”), ses rencontres (“Coyote”, le hit qu’elle reprendra en compagnie du Band dans « The last waltz »), sa dette envers Billie Holiday (“Furry sings the blues”), une sociologie des USA d’après le rêve et l’utopie. Les images sont fortes, comme ces traînées de 747 dans le ciel entre Yi King et accords de guitare (en open tuning, bien sûr) dans “Amelia”. On lui avait reproché de livrer ses amants (Graham Nash, James Taylor…) en pâture dans « Blue ». Ici, les textes sont encore plus près de l’os et la musique aussi, folk, sèche, mais proche du jazz, dépouillée, enivrante (la basse vrombissante de Jaco Pastorius, les entrelacs sobres de Larry Carlton… ). Tout concourt à la précision des sentiments.

Rarement il y avait eu pareille adéquation entre la trame musicale des morceaux, lents, organiques, s’écoulant en paysages et les textes servis par la voix qui replace sans cesse les rapports humains au centre du road trip. Elle qui conte et nous qui écoutons et qui sommes, aussi. Cette voix inoubliable, entre celle des débuts à la Joan Baez, enfilant les octaves et chevauchant le ciel et celle d’aujourd’hui, abimée par la clope de la pochette, sonnant le rappel des basses et de la mort qui rôde. Disque difficile au premier abord, mais quelle richesse : 40 ans après, et quelques miles de plus dans nos vies, il n’a toujours pas tout livré aux coyotes, aux autostoppeurs, aux prisonniers des lignes blanches sur la route. Immense.

Jean-Jacques Massé

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